Éducation

Une école (encore) genrée

Historien

Comment se fait-il que l’École soit encore victime d’une socialisation genrée qui véhicule l’image discriminante d’une fille douce et soumise ainsi que celle d’un homme viril et fort tandis que la société, notamment avec les mouvements féministes, évolue dans le sens opposé. Manque de coopération volontaire ou naïveté des politiques publiques ?

Selon les informations délivrées par France Inter le 7 septembre dernier, le ministère de l’Éducation nationale et celui chargé de l’Égalité entre les hommes et les femmes comptent renforcer la lutte contre les stéréotypes de genre à l’École. «Les garçons sont trop souvent élevés dans un idéal de force, de virilité, quand on a encore tendance à associer les filles à la douceur et à la soumission » décrypte un conseiller ministériel en charge de faire bouger les lignes.

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Encore faudrait-il que l’on tire les leçons d’une longue histoire pour que cela puisse être pris pour une tentative sérieuse ayant des chances réelles d’aboutir et ne pas apparaître comme une sorte de diversion face à d’autres difficultés bien réelles de l’École en cette rentrée.

Cette longue histoire montre en effet – par défaut – que l’on ne doit pas se contenter d’indications générales plus ou moins évanescentes mais passer par des préconisations précises dûment décidées, dans le cadre d’une forte volonté politique durable.

On pourrait d’abord s’étonner qu’on en soit toujours là ! Mais, ce n’est pas nouveau… De façon générale, les stéréotypes sexistes restent beaucoup plus présents à l’École que l’on aurait pu le supposer après les injonctions de certains textes ministériels dès le début des années quatre-vingt.

Ainsi, l’arrêté du 12 juillet 1982 du ministre Alain Savary (« Action éducative contre les préjugés sexistes ») insistait, dans son article premier, sur « la mention destinée à combattre les préjugés sexistes ajoutée à l’ensemble des programmes pour toutes les disciplines et activités éducatives ainsi que pour tous les niveaux d’enseignement des premier et second degrés ».

Mais, quinze ans plus tard, le rapport demandé par Alain Juppé sur cette question à Simone Rignault (députée RPR) et Philippe Richert (sénateur apparenté à l’Union centriste) et remis le 9 avril 1997 au Premier ministre est sans appel : « L’image donnée de la femme dans les manuels scolaires ne permet pas aux je


Claude Lelièvre

Historien, Professeur honoraire d’histoire de l’éducation à la Faculté des Sciences humaines et sociales, Sorbonne - Paris V