Littérature

Système mondial de positionnement – sur GPS de Lucie Rico

Critique

Empruntant à l’absurde et au thriller psychologique, le deuxième roman de Lucie Rico entraîne son héroïne dans une quête existentielle figurée par un gros point rouge, qui lui indique où se trouve une amie disparue. Devenu si obsédant que la carte remplace le territoire, qu’elle le dénude et met au jour la réalité des relations sociales, le GPS révèle l’absurdité d’un monde moins questionné que ses avatars technologiques. Magistral roman de la désorientation et des relations qui perdent, GPS s’avère loin, bien loin, de la simple fable technologique.

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La doctrine marxiste veut que l’être social de chacun détermine la conscience individuelle. L’héroïne de GPS paraît prendre plaisir à contredire le théoricien barbu : sa cruelle inadaptation à la société en fait une « intruse » irrécupérable, une rebelle de canapé. Son esprit de contradiction s’est d’ailleurs manifesté très tôt : « Tu es née à l’envers, dévoilant d’abord tes fesses au monde, en dépit de l’ordre établi et de la bienséance. »

Ultra-moderne solitude

Depuis ce refus inaugural, après une brève carrière de journaliste de faits divers, Ariane chôme : licenciée de son journal, elle ne met presque plus le nez dehors, malgré les sollicitations de sa mère et de son compagnon Antoine. Alors quand son amie Sandrine lui propose d’être témoin à ses fiançailles, c’est à la fois une joie et une appréhension : sortir… ? Trouver le château où ont lieu les festivités, s’y rendre seule représentent déjà un défi. Pour la guider, Sandrine lui envoie une demande de partage de localisation sur Google Maps qui dévoile, centré sur la carte, « un imposant point rouge – parfaitement rond, parfaitement rouge ». Ariane clique. Et pénètre un autre monde.

Comme prévisible, la soirée est un fiasco. Ariane vacille, en posture défensive dans cette célébration intime devenue « séminaire de team building », où avouer qu’on est au chômage, qu’on ne fait « rien, c’est comme dire je suis morte, tu parles avec un cadavre ». Cernée par de grands dadais offensifs, séducteurs aux baskets immaculées, Ariane s’isole. Et tandis que l’ivresse des fêtards monte, elle cherche en vain la présence de Sandrine, maudissant intérieurement l’assurance des startupers et la « maladie » des « gens qui chantent en dansant ». La communauté de l’amitié, de la fête et de l’alcool la renvoie à sa condition marginale : « Si tu devais faire la cartographie du chômage, tu dessinerais un unique point perdu au milieu d’une carte que tu ne sais pas lire. »

Quelques jours après avoir quitté la fête sans avoir


Sophie Bogaert

Critique , Éditrice