Grèves : l’improbable convergence des luttes
Sans conteste, l’expression des mécontentements sociaux gagne du terrain et le calendrier des luttes du printemps s’épaissit. Le 15 mars, les personnels des EHPAD ont réaffirmé leurs revendications, alors que les retraités exprimaient au même moment, dans la rue, leur grogne face à l’augmentation de la CSG. Le 22 mars, les fonctionnaires mènent une nouvelle journée d’action. Le même jour, une manifestation, probablement d’ampleur, est programmée par les syndicats de cheminots. Chez Hop!, la filiale à bas coût d’Air France, une partie des pilotes seront alors en grève, rejoints le lendemain par les salariés de la maison mère. Ces derniers prévoient de renouveler leur mobilisation le 30 mars, à la veille des arrêts de travail appelés chez Carrefour. Et le 3 avril, les cheminots entament leur grève d’usure.
Même si cette liste n’est pas exhaustive et ne retient pas, en outre, la multiplication des conflits localisés, elle est suffisamment nourrie pour que ressurgisse la problématique de la « convergence des luttes », chère aux syndicalistes soucieux d’établir un rapport de force concret entre le monde du travail et le pouvoir politique. Elle est accompagnée, au demeurant, d’inévitables comparaisons historiques. Ainsi, l’entrée en lice des cheminots a récemment réveillé dans les médias la mémoire du dernier grand mouvement social remporté par le salariat, celui de novembre-décembre 1995. Ajoutons que si l’agitation monte en puissance, il y a fort à parier que le cinquantième anniversaire de Mai 68 s’invitera dans les esprits et les prises de parole.
Le scénario d’une jonction des mécontentements ne semble pas aujourd’hui le plus plausible.
Sommes-nous pour autant à la veille d’une nouvelle mobilisation en voie de généralisation ? Certes, les précautions d’usage invitent à souligner, d’ailleurs à juste titre, que les vagues de grèves de notre histoire ne résultent pas de décrets des directions syndicales et n’étaient guère prévisibles avant leur déferlement. I