Le savoir par l’urbex ?
L’« exploration urbaine », cette visite ou errance sur des sites qui n’ont pas vocation à être parcourus parce qu’abandonnés, marginalisés ou interdits, connaît un succès considérable aujourd’hui. On en a décrit les motivations et les règles dans une première contribution à cette série de textes pour AOC. Avant d’en discuter bientôt les enjeux politiques dans un troisième dernier article, nous voudrions ici interroger les rapports entre savoirs et urbex. Peut-on faire progresser les connaissances en se promenant dans des usines, des hôpitaux ou des maisons de la culture abandonnés, sous quelles conditions et dans quelles directions ?

Au préalable, il faut s’intéresser à tout un discours endogène des « urbexeurs » qui souligne la dimension historienne ou cognitive de leur pratique. Certains inscrivent même le moment propre de l’exploration urbaine dans une continuité érudite. En amont, ils expliquent s’être documentés sur les lieux visités et en aval ils restituent une part de leurs trouvailles ou de leur savoir, sous de multiples formes, à travers des récits ou une mise en ligne organisée de leurs photos. Kerstin Lucklum qui tient un très beau site sur les lieux délaissés de l’Allemagne de l’Est (Blackcat Photography), et se réfère à l’archéologie industrielle, explique : « il s’agit avant tout de documenter » (Thüringer Landeszeitung, 19 octobre 2010) tandis que Mirko H., qui rassemble ses expériences d’urbex dans la région de Dresde sur une chaîne Youtube, dit tout son intérêt à rechercher l’histoire des bâtiments.
Un projet documentaire d’Enno Seifried (à partir de 2011-2012), au moyen d’une série de DVD et d’une chaîne Youtube enquête ainsi sur les lieux abandonnés – « Histoires derrière des murs oubliés » – pour l’instant de la région du Harz et de Leipzig, en interrogeant témoins, amateurs et urbexeurs de ces lieux, mais en laissant la parole se déployer. Les témoins sont emmenés sur place pour les décrire et éclairer leur histoire. L’intention documentaire e