Société

La méritocratie, une illusion à dissiper pour viser l’égalité

Haut-fonctionnaire

La méritocratie est le poison de l’idéal républicain. Elle dissimule la reproduction sociale, naturalise les inégalités et impute à tous ceux qui échouent la responsabilité de leur échec. Se débarrasser du « si on veut on peut » s’avère donc la première étape pour éradiquer l’élitisme mortifère, et rendre d’autres destins désirables.

L’exaltation de la « méritocratie républicaine » est, plus que jamais, au cœur des discours politiques consacrés à l’éducation, de quelque obédience que se réclament leurs auteurs. De la France insoumise au Rassemblement national, de la majorité macronienne à la droite dite de gouvernement, chaque camp critique l’autre pour les mesures qu’il prône ou qu’il met en œuvre et qui, pour leurs détracteurs, sapent les fondements de cette méritocratie tandis que leurs thuriféraires font valoir qu’elles seules sont de nature à assurer la pérennité du modèle méritocratique.

Vaste est le champ de cette rhétorique, et grande l’énergie dépensée à le labourer discours après discours. Reste, au risque de décevoir les chantres de la méritocratie, que la réalité scolaire de la France est encore et toujours inégalitaire. La ségrégation scolaire et le poids de l’origine socio-économique se traduisent par des inégalités fortes de performance entre les élèves. Les études PISA réalisées par l’OCDE soulignent ainsi deux fortes spécificités de notre système : d’une part, il se caractérise par les performances scolaires nettement supérieures d’une « élite » d’élèves bien dotés en capital scolaire par rapport à la grande masse des élèves. D’autre part, il est marqué par l’influence particulièrement significative du milieu socio-économique d’origine sur la réussite scolaire, et plusieurs travaux récents [1] ont montré que ces inégalités s’étaient renforcées au cours des années récentes.

Le creusement de ces inégalités scolaires est évidemment encouragé par le poids du contexte familial, mais aussi par l’organisation de notre système scolaire. Celle-ci est caractérisée par de nombreux « points de bifurcation » qui, dès le début du parcours scolaire, sont autant de moments participant d’une sélection diffuse qui ne se limite pas aux moments « officiels » de sélection.

Dans un contexte scolaire où le parcours des élèves et leurs choix d’orientation sont biaisés par de multiples facteurs sociale


[1] Voir notamment Thierry Rocher, « Évolution des inégalités sociales de compétences : une synthèse », contribution pour le CNESCO, octobre 2015 ; et Marielle Le Mener et al., « L’accroissement de l’effet de l’origine sociale sur la performance scolaire : par où est-il passé ? », Revue française de sociologie, 2012, vol. 58, p. 207-231.

 

David Guilbaud

Haut-fonctionnaire

Notes

[1] Voir notamment Thierry Rocher, « Évolution des inégalités sociales de compétences : une synthèse », contribution pour le CNESCO, octobre 2015 ; et Marielle Le Mener et al., « L’accroissement de l’effet de l’origine sociale sur la performance scolaire : par où est-il passé ? », Revue française de sociologie, 2012, vol. 58, p. 207-231.