Politique de l’urbex
Faut-il penser une politique de l’exploration urbaine [1] ? Nous avons vu dans deux articles publiés par AOC le 28 septembre et le 11 octobre, que ces visites non autorisées de sites abandonnés, en ruine ou interdits, qui ne cessent de se développer et d’interroger, s’inscrivent dans des horizons variés : de l’aventure à la quête de savoir. Au-delà des enjeux pour les acteurs, quel(s) sens collectif(s) leur prêter ?

La pratique de l’urbex peut d’abord se penser en termes de genre et se poser sociologiquement. Carrie Mott et Susan M. Roberts ont souligné la dimension souvent très masculine ou plutôt masculinisée de l’urbex, à travers l’exaltation de la force physique et de l’intrépidité, au moyen d’une iconographie héroïsante. Comme homme, je ne suis pas exempt d’une mise en récit de cet ordre, soulignant volontiers la dimension « baroudeur » liée à l’urbex. Certains sites ou discours filent l’image de la « pénétration » des sites, non sans analogie, plus ou moins appuyée, avec celle d’une femme.
Le caractère transgressif de l’urbex en limite souvent la pratique à ceux pour qui les risques de se faire pincer ou de faire de mauvaises rencontres ont le moins de conséquences : plutôt des hommes blancs, sans soucis antérieurs avec la justice. Je me suis fait attraper plusieurs fois par les propriétaires ou gardiens de sites, ou du moins des individus qui se prétendaient tels car l’occupation de ces friches emprunte aussi des canaux informels. À plusieurs reprises, notamment dans une situation tendue avec menaces de poursuites, j’ai excipé de mon statut d’universitaire et de chercheur. Et à plusieurs reprises aussi (à Chemnitz, Görlitz ou Francfort-sur-l’Oder), ce basculement de régime de justification a fait basculer la situation. Les gardiens se sont alors proposés de m’accompagner pour me faire visiter le site ou m’aider, et c’est moi qui in fine ai dû mettre un terme à l’échange qu’ils auraient bien poursuivi. Ce basculement s’explique d’autant plus qu’en Allemagne d