International

Une autre face de la République islamique d’Iran

Anthropologue

Politique et sociale, plutôt que religieuse, la révolution de 1979 a débouché en Iran sur l’instauration d’une République islamique. Reposant simultanément sur la légitimité du suffrage universel et sur la légitimité islamique, elle a pourtant rapidement fait prévaloir la raison d’État. Dépeindre la République islamique d’Iran au prisme des relations entre sphères publique et privée, profondément transformées par la révolution et l’institutionnalisation du régime, permet de dresser le portrait kaléidoscopique d’un régime quadragénaire dont on a déjà maintes fois prédit la fin prochaine.

Levons tout de suite une équivoque. Contrairement à ce qu’on entend ici ou là, ces jours-ci, l’Iran ne fête pas le quarantième anniversaire de la « révolution islamique », car la révolution de 1979, n’était pas « islamique », ou pas seulement « islamique ». Comme toutes les vraies et grandes révolutions, elle a rassemblé des acteurs et des revendications disparates, sinon contradictoires. Ce n’est que dans un deuxième temps, à la faveur de la guerre imposée par l’Irak, en 1980, qu’une partie, et une partie seulement, de ces courants islamiques, à savoir les khomeynistes, se sont emparés du pouvoir et ont écrasé ou écarté les autres composantes de la mobilisation, y compris certains courants islamiques, tels que les Moudjahidin du peuple, le Mouvement national de libération, le grand ayatollah Shariatmadari, et la plupart des « sources d’imitation » de Nadjaf, en Irak.

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La prise en otage des diplomates américains, en novembre 1979, a été une étape décisive de ce processus de captation de la révolution par les khomeynistes. Encore faut-il ajouter que ces derniers n’étaient pas eux-mêmes unis. À partir de 1984, l’Association des clercs combattants s’est opposée à la Société du clergé combattant, en se réclamant l’une et l’autre de l’ayatollah Khomeyni. Cet affrontement a constitué les prémisses de la compétition ultérieure entre réformateurs et conservateurs, que l’on présente généralement, de manière erronée, comme une bataille entre « radicaux » et « modérés ». En d’autres termes, la révolution de 1979 a été politique et sociale, plutôt que religieuse. L’oublier, c’est se perdre dans les faux débats qui prédominent aujourd’hui au sujet de l’Iran. Que le champ religieux ait bénéficié de la révolution est une évidence, mais une conséquence des événements plutôt que leur explication.

En outre, la phase révolutionnaire, de plus en plus violente à partir de l’été 1979, a été étouffée en 1983 lorsque l’ayatollah Khomeyni a imposé le principe du gouvernement du ju


Fariba Adelkhah

Anthropologue, Directrice de recherche à Sciences Po-CERI