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L’ENA se meurt, l’État demeure

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Lors de sa récente conférence de presse, le président de la République a confirmé une information qui circulait depuis quelques jours : sa décision de supprimer l’Ecole Nationale d’Administration. Il a même précisé vouloir également supprimer les « grands corps » de l’Etat. Comment comprendre une telle décision, prise par un énarque membre de l’Inspection des Finances ?

Après des « fuites » concernant l’allocution présidentielle annulée du lundi 15 avril, pour cause d’incendie de Notre-Dame, qui avait accrédité la rumeur selon laquelle le Chef de l’Etat entendait, entre autres mesures tirant les conclusions de la séquence des Gilets jaunes et du Grand Débat, annoncer la « suppression » de l’Ecole nationale d’administration, le Président a confirmé cette décision dans sa conférence de presse, y ajoutant même la volonté de « supprimer les grands corps », formule qui n’est pas sans ambiguïté.

Il y a là une décision qui peut surprendre de la part d’un président lui-même passé par l’ENA avant d’en sortir dans « la botte » (parmi les premiers) et de pouvoir ainsi accéder à l’Inspection générale des finances, qui est un des trois grands corps administratifs de l’Etat (avec le Conseil d’Etat et la Cour des Comptes).

Pratiquant depuis un quart de siècle une observation au long cours, à la fois ethnographique et critique, de l’ENA et des énarques, des administrations centrales de l’État et des sommets de l’Exécutif, quels éléments d’intellection supplémentaire et de remise en perspective, par-delà les polémiques du jour, peut-on ici proposer aux lecteurs ?      

Partons de l’actualité pour remonter ensuite aux contextures de motifs plus profondes : si la suppression de l’ENA a été décidée par notre énarque de Président, c’est qu’elle a été proposée dans un dixième environ des documents du Grand Débat.

Cette idée trouve un écho dans la majorité parlementaire LREM, peuplée de novices en politique dont beaucoup ont eu à subir, depuis deux ans, la morgue de certains énarques des administrations centrales et des cabinets ministériels, lesquels seraient de plus coupables, parce que « hors sol », d’être restés sourds aux mises en garde de ces députés « de base » sur l’ampleur de la crise des Gilets jaunes.     

Au gouvernement, Emmanuel Macron compte à Bercy deux ministres majeurs, l’un, Bruno Le Maire, qui avait lui-même proposé de supprimer l’EN


Jean-Michel Eymeri-Douzans

Politiste, Professeur de science politique à Sciences Po Toulouse