Société

La désobéissance civile n’est plus ce qu’elle était

Sociologue

Le 16 juillet des manifestants Extinction Rebellion bloquaient l’entrée d’une usine de béton à Londres. C’est l’une des nombreuses manœuvres du mouvement qui souhaite que la désobéissance civile pousse les gouvernements à réagir face à l’enjeu climatique. Si la désobéissance civile a toujours été un acte ultime commis par des individus qui ne supportent pas le caractère injuste ou indigne d’une obligation légale, elle apparaît désormais comme le premier recours pour dénoncer la réduction programmée des droits sociaux et politiques des citoyen.ne.s ainsi que le péril climatique.

Dans le style télévisuel de la seule langue qu’il connaît, Donald Trump vient de lancer sa grande offensive d’été contre les clandestins, en vendant à l’opinion la plus « formidable » opération d’arrestations et d’expulsions de l’histoire américaine.

Mais, comme la décision qu’il a prise dès son entrée en fonction en signant, en direct devant les caméras, le décret ordonnant la traque aux migrants illégaux, celle-ci a provoqué une semblable réaction : le refus des villes et États « sanctuaires » d’appliquer les mesures prescrites par le pouvoir fédéral, en interdisant aux polices locales de collaborer avec les agents chargés de cette mission et en lançant une campagne d’information expliquant aux sans papiers comment ils devaient y résister. Cette démarche qui consiste, pour une institution chargée de faire respecter la loi, à proclamer publiquement qu’elle entend y contrevenir est ce qu’on peut nommer de la désobéissance civile institutionnelle.

D’autres exemples de cette démarche ont été donnés par le Parlement catalan qui, en dépit de l’interdiction du gouvernement et de la Cour suprême d’Espagne, a organisé, en 2017, un référendum d’indépendance qui s’est soldé par l’arrestation et l’inculpation pour sédition des responsables de cette consultation ; ou par le Président du Parlement vénézuélien, Juan Guaido, qui s’est proclamé Président du pays contre celui qui a été élu et gouverne, Nicolas Maduro. Et on peut y apparenter la décision des directeurs et directrices d’école et des professeur.e.s qui, chaque semaine, autorisent leurs élèves à « sécher » les cours le vendredi pour manifester en faveur de l’urgence climatique et qui, parfois, les accompagnent dans leurs marches.

La désobéissance civile a toujours été un acte commis par des individus qui ne supportent pas le caractère injuste ou indigne d’une obligation légale et se résolvent à y recourir lorsque tous les autres moyens de la faire abolir ont été épuisés sans succès. L’usage de cette forme d’action pol


[1] R. Laudani, Disobedience in Western Political Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.

[2] J. Scott, La domination et les arts de la résistance, Paris, Amsterdam, 2009.

[3] R. Celikates, “Democratizing Civil Disobedience”, Philosophy and Social Criticism, 2016.

Albert Ogien

Sociologue, Directeur de recherche au CNRS – CEMS

Notes

[1] R. Laudani, Disobedience in Western Political Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.

[2] J. Scott, La domination et les arts de la résistance, Paris, Amsterdam, 2009.

[3] R. Celikates, “Democratizing Civil Disobedience”, Philosophy and Social Criticism, 2016.