Notes sur les sociétés du profilage (1/2)
Dans Surveiller et punir (1975) Michel Foucault étudiait l’émergence d’une forme de gouvernement centrée sur la production de figures collectives qui régissent l’existence des individus, selon un continuum d’institutions allant de l’école à l’usine et de l’hôpital à la prison. Il baptisait ce régime de pouvoir les « sociétés de la discipline ». « Discipline » nommait alors indissociablement une technique de dressage du corps et d’inspection de l’esprit qui provenait de formes monastiques de subjectivation et allait, selon l’analyse foucaldienne, susciter des structures de pouvoir corrélées au type de savoir que les sciences humaines naissantes commencèrent au XIXe siècle à instituer.
Dans un texte célèbre de 1990, Gilles Deleuze a parlé de « sociétés de contrôle » comme les héritières des sociétés disciplinaires, la nouvelle forme de subjectivation/gouvernement émergeant vers la fin du 20ème siècle avec le capitalisme de surproduction : « Ce qu’il veut vendre, c’est des services, et ce qu’il veut acheter, ce sont des actions. Ce n’est plus un capitalisme pour la production, mais pour le produit, c’est-à-dire pour la vente ou pour le marché. Aussi est-il essentiellement dispersif, et l’usine [qui était l’un des paradigmes de la discipline, avec l’école, l’armée et la prison, quatre instances pour Foucault homogénéisées par le régime disciplinaire] a cédé la place à l’entreprise » [1]. Et Deleuze de décliner, dans ce texte lapidaire mais saisissant, le contraste avec la discipline selon Foucault « la famille, l’école, l’armée, l’usine ne sont plus des milieux analogiques distincts qui convergent vers un propriétaire, État ou puissance privée, mais les figures chiffrées, déformables et transformables, d’une même entreprise qui n’a plus que des gestionnaires. (…) Le contrôle est à court terme et à rotation rapide, mais aussi continu et illimité, tandis que la discipline était de longue durée, infinie et discontinue. »
Je souhaite ici esquisser le régime de