Tiers-lieux, de l’initiative à la commande
L’expulsion de Mains d’Œuvres, espace culturel hybride basé à Saint-Ouen, issu des initiatives pionnières des lieux intermédiaires mis en visibilité par le rapport Lextrait (2001), le 8 octobre dernier suite à un bras de fer de longue date avec la municipalité, révèle un paradoxe éloquent.
Alors que l’Etat, à la suite du rapport « Mission Coworking : Territoires, Travail, Numérique », lance, par le biais de la CGET le plan d’action « Nouveaux Lieux, Nouveaux Liens » avec une enveloppe de 100 millions d’euros, preuve de la reconnaissance par les pouvoirs publics du potentiel de transformation sociétale de ces initiatives, un lieu qui a été, sans s’en revendiquer, l’un des premiers « tiers-lieux » de culture, voit ses vingt années d’existence et d’ancrage local balayés d’un revers de main.
Certains, comme la Coordination Nationale des Lieux Intermédiaires et Indépendants décèlent dans ce paradoxe un glissement de l’intérêt général à l’intérêt privé et somment la puissance publique de distinguer “dans les initiatives issues de la société civile auxquelles ils apportent leur soutien, entre les initiatives qui relèvent du privé et celles qui relèvent du commun”. Prise de position qui fait suite à une tribune du début de l’été aux résurgences partisanes, et parfois manichéennes, mais qui met au jour les crispations que ne manque pas de susciter ce glissement de l’initiative de la société civile à la commande. Le présent article privilégie une autre entrée pour pointer les points de vigilance que devront observer les commanditaires pour garder ouvertes les promesses des tiers-lieux dans la transition sociétale avec laquelle ils sont aux prises.
Les promesses du tiers-lieux
Pour une société occidentale remodelée par des mutations sociétales profondes, telles que l’évolution rapide du travail, les impacts et le potentiel de transformation de la révolution numérique et le besoin pour nombre de territoires de retrouver du lien social et fédérer des communautés à la