Les Polonaises contre la rétro-utopie macabre du PiS

Auteure et traductrice

Pologne, 22 octobre 2020. La justice acte la quasi-interdiction de l’IVG ; en réaction, des centaines de milliers de personnes sortent dans les rues. Ce sera le premier jour de deux mois de manifestations. L’engagement politique des jeunes femmes explose. Gestes et slogans injurieux se multiplient. Méprisée par le parti au pouvoir, cette révolte marque la profonde remise en cause de l’ordre social de la Pologne post-communiste. Dans un pays où le pouvoir est partagé entre l’État et l’Église, les droits sexuels et reproductifs sont bien au cœur du conflit pour l’avenir de son peuple.

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« La révolution qui vient de commencer n’est pas seulement un combat pour l’avortement. C’est un combat pour la liberté qu’on a brutalement entravée, l’avortement en est le symbole. »
Marta Lempart

Le 22 octobre 2020, la Cour Constitutionnelle polonaise, contrôlée par Droit et justice (Prawo i Sprawiedliwość, PiS), le parti ultra-conservateur et nationaliste au pouvoir, a invalidé l’article autorisant l’avortement en cas de malformations graves et irréversibles du fœtus. Dans un pays où la loi sur l’IVG est déjà extrêmement restrictive – seul un millier d’avortements sont officiellement pratiqués par an – c’est la délégaliser presque complétement.

Cette nouvelle tentative d’interdire l’IVG a déclenché des manifestations massives qui ont secoué le pays pendant deux mois. Le mouvement social initié par la Grève Générale des Femmes (Ogólnopolski Strajk Kobiet, OSK – mouvement citoyen féministe créé en 2016) le 22 octobre 2020 pourrait-il précipiter la chute du PiS et entrainer un changement culturel durable ?

La révolte des femmes dont le cri de ralliement est Le patriarcocène, c’est fini ! (Koniec dziadocenu!) semble en effet constituer la manifestation flagrante et spectaculaire d’une transition culturelle en cours et d’une remise en cause radicale de l’ordre social sur lequel repose la Troisième République de Pologne, fondée en 1989, au moment de la chute du communisme.

Chronologie

DÉGAGEZ ! (Wypierdalać!)

Le soir du 22 octobre 2020, à l’initiative de Marta Lempart et de Klementyna Suchanow de la Grève Générale des Femmes (OSK), un cortège de plusieurs centaines de femmes portant en tête une banderole noire sur laquelle on peut lire en rouge « Dégagez ! » traverse Varsovie et bloque la circulation.

Ces femmes ont décidé de crier leur rage devant la villa de Jarosław Kaczyński. Officiellement vice-premier ministre chargé de la sécurité et chef du PiS, Kaczyński est l’homme fort du pays depuis 2015, année de l’arrivée du parti au pouvoir.

À partir du 22 octo


[1] Illégalement composée et nommée, la Cour Constitutionnelle est contrôlée par le parti au pouvoir.

[2] Agnieszka Graff, « Tu n’es pas seule. La communauté de la colère dans l’art féministe à l’époque du “changement pour le mieux” », Hourras et désarrois. Scènes d’une guerre culturelle en Pologne, sous la direction d’Agnieszka Żuk, Noir sur Blanc, 2019.

[3] Marion Janion, historienne de la littérature, de la culture polonaise et des idées, figure emblématique du mouvement féministe polonais, est décédée en 2020.

[4] Barbara Labuda, née le 19 avril 1946, est une universitaire, femme politique et diplomate polonaise. Militante de l’opposition démocratique pendant le régime communiste, elle siège à la Diète de Pologne de 1989 à 1997 avant d’être membre de la Chancellerie présidentielle, puis ambassadrice de Pologne au Luxembourg de 2005 à 2010.

[5] Stanisław Obirek, Polak, katolik?, p. 80, éditions CIS, 2015 (non traduit en français).

[6] Agata Adamiecka, « Comment lever l’anathème », Hourras et désarrois. Scènes d’une guerre culturelle, p. 56.

Agnieszka Żuk

Auteure et traductrice, Agrégée de polonais

Mots-clés

IVG

Notes

[1] Illégalement composée et nommée, la Cour Constitutionnelle est contrôlée par le parti au pouvoir.

[2] Agnieszka Graff, « Tu n’es pas seule. La communauté de la colère dans l’art féministe à l’époque du “changement pour le mieux” », Hourras et désarrois. Scènes d’une guerre culturelle en Pologne, sous la direction d’Agnieszka Żuk, Noir sur Blanc, 2019.

[3] Marion Janion, historienne de la littérature, de la culture polonaise et des idées, figure emblématique du mouvement féministe polonais, est décédée en 2020.

[4] Barbara Labuda, née le 19 avril 1946, est une universitaire, femme politique et diplomate polonaise. Militante de l’opposition démocratique pendant le régime communiste, elle siège à la Diète de Pologne de 1989 à 1997 avant d’être membre de la Chancellerie présidentielle, puis ambassadrice de Pologne au Luxembourg de 2005 à 2010.

[5] Stanisław Obirek, Polak, katolik?, p. 80, éditions CIS, 2015 (non traduit en français).

[6] Agata Adamiecka, « Comment lever l’anathème », Hourras et désarrois. Scènes d’une guerre culturelle, p. 56.