Loft Story ou le laboratoire de la vie confinée
Sous l’égide d’un producteur unique basé en Hollande, Endemol, la télé-réalité s’est installée il y a vingt ans partout dans le monde. Ces programmes ont atteint des chiffres d’audience inégalée en appliquant partout les mêmes recettes : l’exposition permanente d’une dizaine de jeunes gens des deux sexes qui acceptent par contrat de se laisser filmer nuit et jour, enfermés pendant plusieurs semaines dans un appartement.

Fondée sur l’analyse d’une soixantaine de chaînes en Allemagne, en Australie, en Espagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et aux États-Unis, le rapport News on the air (NOTA), qui recense et étudie les nouvelles émissions de télévision dans le monde entier, relevait que deux tiers des programmes lancés au cours de la saison 2003 aux États-Unis étaient des émissions de télé-réalité.
En Grande-Bretagne, des enfants et leur mère vivent avec un père différent (Wife Swap sur Channel 4) ; des vedettes partent en stage de survie en Australie (I’m a Celebrity… Get Me Out of Here) ; aux États-Unis, 25 hommes sont soumis à la sélection d’une jeune femme (The Bachelorette sur ABC). Neuf Espagnols traversent le pays en bus. Dix Polonais vivent en huis clos à Varsovie. Des Allemands suivent une cure d’amaigrissement… Big Brother en Grande-Bretagne, Gran Fratello en Italie, et en France Loft Story, tous obéissaient au même pilote : il ne s’agissait plus seulement de donner à la vie réelle la forme d’un récit ou d’une anecdote, mais à transformer la vie en anecdote, à faire fusionner l’expérience réelle et la fiction en plongeant des êtres réels dans une expérience, artificielle, à la fois improvisée et scénarisée, mi-jouée et mi-vécue.
Ces programmes ont rencontré le même succès en Afrique, (Big Brother Africa, retransmis par satellites dans 49 pays du continent, était suivi par 25 millions de spectateurs) en Amérique latine, en Asie et même dans les États d’Arabie où ils ont suscité de violentes manifestations de fondamentalistes musu