Public Pride : pour un nouvel abécédaire du public
Au cœur du moment pandémique, les mots du « public » font un retour aussi inattendu que spectaculaire. C’est l’engagement au service du public des personnels soignants et, au-delà, de toute une société du care dont le rôle est tout d’un coup apparu vital. C’est aussi l’invocation aussi soudaine qu’inattendue dans les discours de l’exécutif d’un « quoi qu’il en coûte » et de ces « biens et services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », à rebours des obsessions du New public management.
C’est encore la revendication de biens publics mondiaux, brevets en tête, qui se sera progressivement frayée un chemin dans un contexte international initialement dominé par la compétition des grands groupes pharmaceutiques et une concurrence effrénée entre États pour un accès prioritaire aux doses. Il y a là presque une surprise : au terme de trois décennies de politiques néo-libérales qui n’ont eu de cesse d’en dénoncer les coûts, les lourdeurs et les dysfonctionnements, le « public » reste un puissant moteur de dévouements professionnels et d’émotions citoyennes. La crise a révélé un attachement à l’État des services publics, à une chaîne de valeur non-marchande seule capable de protéger et une forte attente de participation effective à la gestion des affaires collectives.

Reste que, s’il y a bien toujours un riche lexique du « public » – espaces publics, déclarations d’utilité publique, santé publique, biens publics, etc. – tous ces mots renvoient souvent aujourd’hui un son creux. Car il y a loin du substantif à la substance… En trente ans, l’État s’est progressivement encastré dans la sphère marchande, adoptant fréquemment ses méthodes et ses instruments. Au point de brouiller nos repères et de fragiliser la promesse égalitaire et démocratique dont le « public » s’est historiquement fait porteur comme sphère « de tous » et « pour tous ».
C’est sans doute un des effets les plus inaperçus du tournant néo-libéral que d’avoir contribué à saper cette infrast