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Pandémie et recherche française : le nouveau chapitre d’une crise sans fin ?

Historienne

Même si Sanofi a annoncé le 27 mai le lancement d’essais à grande échelle pour son principal projet de vaccin contre la Covid-19, la déception suscitée par le laboratoire français, comme par l’Institut Pasteur, reste grande. La pandémie mondiale et le besoin rapide de vaccins ont mis à nu les forces et les faiblesses du système d’innovation français sous la forme d’un test de performance en temps réel. Elle révèle un autre échec, celui des changements initiés ces dernières années pour faire de la France une « société de la connaissance ».

La déception n’aurait pas pu être plus grande : d’abord, le géant pharmaceutique Sanofi et son partenaire britannique GSK ont dû annoncer en décembre 2020 que leur vaccin candidat commun contre la Covid-19 serait retardé de plusieurs mois. Fin janvier, l’Institut Pasteur et son partenaire industriel américain MERCK ont de leur côté annoncé l’arrêt complet de leur projet de vaccin Covid-19.

On a rapidement lu que ce revers des « deux fers de lance de la filière pharmaceutique française » représentait une crise pour l’ensemble de la recherche française. Mais à y regarder de plus près, ce n’est pas si simple.

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Tout d’abord, l’échec du développement d’un vaccin est statistiquement la norme plutôt que l’exception : environ une seule tentative sur 100 de développer un nouveau médicament aboutit à une autorisation de marché.

La pandémie a déclenché une compétition globale pour développer le premier vaccin anti-Covid et dans cette course, le consortium Sanofi-GSK et l’Institut Pasteur étaient tous les deux considérés au départ comme des candidats prometteurs : l’une des plus grandes sociétés pharmaceutiques au monde, possédant une vaste expérience en matière de vaccins, et l’une des institutions de recherche des plus renommées sur les maladies infectieuses. Mais dans les deux cas, les scientifiques ont dû renoncer à leur planning, notamment en raison d’une réponse immunitaire insuffisante lors des essais cliniques.

Au-delà de cette « mauvaise fortune scientifique », il y plusieurs aspects qui pointent vers des difficultés systématiques de l’industrie pharmaceutique française. Partant d’une étude du groupe de réflexion gouvernemental Conseil d’analyse économique (CAE), on peut d’abord résumer trois aspects principaux qui représentent un défi pour la France.

Premièrement, la recherche fondamentale joue un rôle très important dans la mise au point des médicaments : les nouvelles approches thérapeutiques découlent souvent, de manière disproportionnée, des découvertes d


[1] Dans le cas de Moderna, aussi avec l’aide de l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, la Food and Drug Administration (FDA).

[2] En d’autres termes, les différents acteurs, institutions et entreprises qui sont nécessaires pour transformer une découverte (scientifique) en un produit.

[3] Benoît Godin, « The Knowledge-Based Economy. Conceptual Framework or Buzzword? », The Journal of Technology Transfer n° 31, 2006.

[4] Au niveau de l’UE notamment, voir le rapport Key Figures 2002 in Science, Technology and Innovation, édité par la Commission européenne. En France, parmi beaucoup d’autres : le rapport public de Pascal Viginier, Sandrine Paillard, Rémi Lallement, Mohamed Harfi, El Mouhoub Mouhoud et Bernard Simonin, « La France dans l’économie du savoir. Pour une dynamique collective », 2002.

[5] Henrik Uterwedde, «Frankreich 2005: Brüche im Gesellschaftsmodell» (« France 2005 : fractures dans le modèle de société »), Frankreich Jahrbuch 2005, éditions de l’Institut franco-allemand et du Verlag für Sozialwissenschaften, 2006.

[6] Philip H. Gordon et Sophie Meunier, The French Challenge: Adapting to Globalization, Brookings Institution Press, 2001.

Kathleen Schlütter

Historienne, Doctorante à l’institut Global and European Studies de l’Université de Leipzig

Mots-clés

Vaccins

Notes

[1] Dans le cas de Moderna, aussi avec l’aide de l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, la Food and Drug Administration (FDA).

[2] En d’autres termes, les différents acteurs, institutions et entreprises qui sont nécessaires pour transformer une découverte (scientifique) en un produit.

[3] Benoît Godin, « The Knowledge-Based Economy. Conceptual Framework or Buzzword? », The Journal of Technology Transfer n° 31, 2006.

[4] Au niveau de l’UE notamment, voir le rapport Key Figures 2002 in Science, Technology and Innovation, édité par la Commission européenne. En France, parmi beaucoup d’autres : le rapport public de Pascal Viginier, Sandrine Paillard, Rémi Lallement, Mohamed Harfi, El Mouhoub Mouhoud et Bernard Simonin, « La France dans l’économie du savoir. Pour une dynamique collective », 2002.

[5] Henrik Uterwedde, «Frankreich 2005: Brüche im Gesellschaftsmodell» (« France 2005 : fractures dans le modèle de société »), Frankreich Jahrbuch 2005, éditions de l’Institut franco-allemand et du Verlag für Sozialwissenschaften, 2006.

[6] Philip H. Gordon et Sophie Meunier, The French Challenge: Adapting to Globalization, Brookings Institution Press, 2001.