La médecine 5P ou l’histoire d’un mirage

Les médecines « de demain » n’en finissent pas de recevoir de nouveaux noms de baptême. Il est tantôt question de « médecine prédictive », de « médecine personnalisée », de « santé numérique » ou « digitale ». On évoquait naguère la « médecine 4P », vite remplacée par la « médecine 5P », et l’on sent poindre déjà la « médecine 6P ».
Ces noms ne correspondent pas à des spécialités médicales, ils ne désignent pas une profession que l’on pourrait clairement identifier. Ils s’inscrivent plutôt dans une rhétorique prospective et résonnent comme des promesses. On retrouve ces dénominations dans les feuilles de route gouvernementales, dans certains congrès médicaux ou encore dans les journaux qui suivent de près l’économie des start-up de la santé.
Ces dénominations s’affichent comme modernes et ambitieuses, mais elles peuvent tout aussi bien apparaître comme flottantes et creuses. À défaut d’analyser l’ensemble de la stratégie française en matière d’innovation médicale, il est possible de chercher à comprendre ce que recouvrent ces ambitions portant sur une médecine individuelle, numérique, préventive et prédictive.
Un régime de promesses technoscientifiques
De toute évidence, la « médecine 5P » et consorts doivent être considérées comme des promesses scientifiques. Plus précisément, elles s’inscrivent parfaitement dans ce que la sociologie des sciences a décrit comme un régime de promesses technoscientifiques.
Au cours des dernières décennies, le paysage de la recherche et de l’innovation technoscientifique a en effet été marqué par une façon bien particulière de se rapporter au futur. Dans un tel régime, on observe des discours qui créent d’abord un horizon d’attente : pour que la promesse soit légitime, c’est-à-dire attractive, il faut d’abord qu’un problème grave soit identifié, et que s’impose un sentiment d’urgence. La promotion des OGM s’est ainsi appuyée sur l’importance de remédier à la faim dans le monde. Les discours prospectifs s’efforcent de par