Tournant antilibéral de la laïcité ou retour aux années 1930 ?

Depuis le début de son mandat, plusieurs discours du président de la République à la tonalité de plus en plus martiale ont scandé la gestation de la loi « confortant le respect des principes de la République », entretenant savamment le doute sur son contenu afin de monopoliser le débat et le prolonger jusqu’à la campagne présidentielle de 2022. Saisi de façon extrêmement sélective par des parlementaires, le Conseil constitutionnel a censuré quelques mesures seulement du texte.
Son adoption représente un tournant historique en matière de laïcité, même si elle s’inscrit aussi dans un durcissement impulsé au début des années 2000, comme le prouvent des emprunts à des propositions restées lettre morte et formulées par des gouvernements de droite. Que l’on songe à l’extension du principe de neutralité contenue dans les recommandations du député et vice-président de l’Assemblée nationale François Baroin en 2003, ou encore au « toilettage », pour reprendre un euphémisme d’alors, du régime des associations cultuelles, préconisé dans un rapport commandé en 2005 par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy[1].
Or, par-delà cette continuité, des analogies existent entre des dispositions de cette loi, ainsi que le contexte idéologique qui l’a rendue possible, et les années 1930. Si cette période est le plus souvent invoquée pour ses coups de boutoir contre la démocratie et la République, elle se caractérise également par une reprise en main autoritaire de l’exercice du culte musulman dans les départements français d’Algérie. Malgré le caractère irréductible de la situation coloniale, le contexte actuel nous y ramène inexorablement, au moins à un double titre : l’agitation d’une menace séparatiste qui serait incarnée par des groupements musulmans et, pour y répondre, la réforme du cadre juridique issu de la loi de 1905.
Une loi « attrape-tout »
À travers cette loi, l’exécutif cible tant de sphères sociales qu’il serait fastidieux de toutes les énumérer, mais c’est le