Société

Covid-19 : encadrer la crise

Anthropologue

Comment nous représentons-nous la pandémie de Covid-19 ? Par la simple catégorie de crise qui est utilisée à son sujet, ou par des méthodes comme la modélisation statistique ou le calcul du taux de reproduction du virus, nous simplifions une réalité complexe. La pandémie de Covid a été appréhendée comme une crise sanitaire, ce qui a empêché de la penser comme un phénomène à la fois épidémiologique et socio-économique ou comme une question de bien-être humain et pas seulement de sécurité biologique.

Nous sommes en crise. C’est l’évidence même : une pandémie mondiale a frappé l’espèce humaine et nous traversons une crise. Mais qu’en est-il vraiment ? Que le Covid-19 soit une crise, cela semble incontestable. Or, que signifie cette affirmation ? On peut renverser la question : comment qualifier autrement une pandémie mondiale qu’en ayant recours à la notion de crise ? Après tout, des vies humaines sont en jeu. En effet, le fait de qualifier un événement ou une situation en utilisant le terme de crise relève d’un simple acte sémantique, ou d’un acte verbal. Et l’affirmation « cette chose est une crise » semble sémantiquement justifiée dans le cas d’une pandémie humaine mondiale.

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Cependant, « c’est une crise » n’est pas une simple observation empirique qui peut être exprimée sans problème par un acte sémantique. Au contraire, « c’est une crise » est une observation logique – c’est un énoncé. Et c’est, en outre, un énoncé qui doit être appréhendé sur le plan conceptuel. Je m’explique.

Commençons par une observation empirique : virus. Observation fondée sur une distinction : virus/non virus. Il s’agit d’une observation de premier ordre. Un virus ne peut être connu (observé) que sur la base de distinctions qui déterminent ce qu’il n’est pas. Voici une autre observation possible : virus présent. Cela signifie que je suis, ou ne suis pas, en présence d’un virus. Il s’agit d’une observation de second ordre fondée sur l’observation de premier ordre « virus/non virus ». En partant de là, l’énoncé « le fait d’être en présence d’un virus est une crise » est une observation de portée conceptuelle.

En d’autres termes, l’observation empirique « virus » est différente de l’affirmation conceptuelle « le virus est une crise ». Un virus ne se présente pas naturellement comme une crise. Déclarer que le virus est une crise qualifie l’observation empirique. Par conséquent, nous introduisons une observation empirique dans la sphère conceptuelle. Le concept de crise est donc f


[1] Voir N.M. Ferguson, et al., 2020. « Impact of non-pharmaceutical interventions (NPIs) to reduce Covid-19 mortality and healthcare demand ». Rapport n° 9, 16 mars. Londres : Imperial College London ; et S. Eubank, et al., 2020. Commentant sur Ferguson, et al., « Impact of nonpharmaceutical interventions (NPIs) to reduce Covid-19 mortality and healthcare demand ». Bulletin of Mathematical Biology 82, p. 52. Les deux sont analysés in W. Anderson, 2021. « The Model Crisis, or how to have critical promiscuity in the time of Covid-19 », Social Studies of Science, 16 février, p. 1-22.

[2] W. Anderson (ibid.) se réfère à des publications de Benedict Carey dans le New York Times et à cet article important mais passé sous silence dans Nature.

Janet Roitman

Anthropologue, Professeure à la New School for Social Research à New York

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Voir N.M. Ferguson, et al., 2020. « Impact of non-pharmaceutical interventions (NPIs) to reduce Covid-19 mortality and healthcare demand ». Rapport n° 9, 16 mars. Londres : Imperial College London ; et S. Eubank, et al., 2020. Commentant sur Ferguson, et al., « Impact of nonpharmaceutical interventions (NPIs) to reduce Covid-19 mortality and healthcare demand ». Bulletin of Mathematical Biology 82, p. 52. Les deux sont analysés in W. Anderson, 2021. « The Model Crisis, or how to have critical promiscuity in the time of Covid-19 », Social Studies of Science, 16 février, p. 1-22.

[2] W. Anderson (ibid.) se réfère à des publications de Benedict Carey dans le New York Times et à cet article important mais passé sous silence dans Nature.