Il n’est pas trop tard pour construire la ville sans voiture
Le vieux Paris n’est plus (la forme d’une ville
Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel)
Crénom, vous dites-vous, que vient faire Baudelaire dans cette affaire ? Lorsque le poète écrit Le Cygne, « tableau parisien » des Fleurs du mal, le baron Haussmann a débuté son œuvre de reconstruction de la capitale. Le XIXe siècle est entré dans sa seconde partie et si ce n’est le génie qui les distingue, le dandy Charles ne dit pas autre chose que les trolls d’aujourd’hui : il ne reconnaît plus « son » Paris, s’y sent comme exilé, au point de dédier ces lignes à Victor Hugo. Haussmann vient, pour sa part, d’inventer la fabrique de la ville sur la ville, bien avant qu’elle devienne un concept de nature à lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols.
Cent ans plus tard, Julien Gracq reprend à son compte les mots de Baudelaire dans La forme d’une ville pour nous parler de celle de sa jeunesse : Nantes. Et que nous dit l’auteur du Rivage des Syrtes ? « [Qu’] Habiter une ville, c’est y tisser par ses allées et venues journalières un lacis de parcours très généralement articulés autour de quelques axes directeurs. Si on laisse de côté les déplacements liés au rythme du travail, les mouvements d’aller et de retour qui mènent de la périphérie au centre, puis du centre à la périphérie, il est clair que le fil d’Ariane, idéalement déroulé derrière lui par le vrai citadin, prend dans ces circonvolutions le caractère d’un pelotonnement irrégulier. Tout un complexe central de rues et de places s’y trouve pris dans un réseau d’allées et venues aux mailles serrées ; les pérégrinations excentriques, les pointes poussées hors de ce périmètre familièrement hanté sont relativement peu fréquentes. Il n’existe nulle coïncidence entre le plan d’une ville dont nous consultons le dépliant et l’image mentale qui surgit en nous, à l’appel de son nom, du sédiment déposé dans la mémoire par nos vagabondages quotidiens. »
La ville est en effet traversée par de mult