Une politique du mème
Cela fait maintenant plusieurs années que les mèmes ont investi le champ numérique, devenant ainsi des objets incontournables de la culture web : des boards alternatifs (tels que 4chan ou Reddit) aux réseaux sociaux les plus majoritaires, ces petites vignettes qui combinent texte et image, souvent avec humour, sont devenues une manière d’exprimer un avis, de commenter l’actualité et même de marquer son engagement politique.
C’est le propre de ces petits objets anodins que l’on confine souvent très injustement au simple domaine du numérique (ou du digital, sachant que les deux termes ne signifient pas exactement la même chose – contrairement à ce qu’un réflexe anglophobe commun tendrait à nous faire croire) : on estime qu’ils font partie d’une forme de mode, qu’ils ne sont là que pour signaler la circulation éphémère de traits d’humour potache, ou bien qu’ils sont d’abord l’apanage d’une culture des « jeunes » (sans que l’on sache très bien ce que cela signifie). Ce faisant, on a alors la tentation de ne pas prendre les mèmes au sérieux.
Et bien on a tort, tout simplement. Prendre les mèmes à la légère, c’est ignorer le rôle qu’ils ont joué dans les motivations de l’auteur des attentats de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, dont la consommation et la production de mèmes sur les forums d’extrême-droite ont été déterminantes pour son passage à l’acte. C’est également ignorer le fait que la figure de l’illustre « Pepe the Frog » a fini par être intégralement récupérée par l’alt-right conservatrice américaine, faisant de cette étrange grenouille verte l’emblème d’une communauté zélée de supporters trumpistes, particulièrement active dans ce qui deviendra par la suite l’assaut du Capitole.
En outre, les mèmes ne sont pas un simple objet cantonné à l’espace numérique ; tout au contraire, ils sont postdigitaux par essence. Rappelons ici les travaux de Florian Cramer, qui précise la chose suivante : « en s’inspirant (…) du post-punk, du postcolonialisme et de Mad Max, le te