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Ukraine : le gaz, une nouvelle arme ?

Géographe

L’une des armes les plus destructrices dont le Président russe dispose en Ukraine est le gaz naturel. Le pays a déjà subi des ruptures d’approvisionnements en 2006, 2009 et 2014, et l’ampleur de l’attaque russe sur l’Ukraine permet d’imaginer tous les possibles. Les approvisionnements gaziers russes se maintiendront-ils ? Vont-ils être plus limités encore que ce qu’envoie actuellement Gazprom, qui se contente de fournir le minimum des volumes contractés par ses clients européens depuis le printemps 2021 ? 

En Ukraine, face à l’envahisseur, la résistance de tous les secteurs de la société est mise à l’épreuve. Parmi les chantiers majeurs, la construction d’une architecture résiliente d’approvisionnement gazier occupe une place centrale. Pour accomplir cette tâche, les industriels nationaux, notamment le gestionnaire du réseau de gazoduc Gas Transmission System Operator of Ukraine (GTSOU), sont en première ligne. Dans l’immédiat, le PDG de l’entreprise publique rassure, les infrastructures continuent à fonctionner « normalement » à l’heure qu’il est malgré l’invasion commencée à l’aube jeudi.

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En décembre dernier, Sergiy Makogon évoquait les projets de long terme engagés par l’Ukraine pour garantir sa sécurité énergétique et être moins dépendante du bon-vouloir russe. Les autorités ukrainiennes sont mobilisées, et n’ont pas attendu l’offensive russe pour l’être. Depuis des mois déjà, les diplomates, le ministère de l’énergie, le ministère des affaires étrangères et le régulateur travaillent à augmenter les capacités d’importations de gaz aux frontières de ses voisins européens. 

L’Ukraine importe environ un tiers de ses besoins en gaz. La production domestique ukrainienne de gaz est actuellement de 20 milliards de mètres cubes (MMC) par an et la consommation est de 30 MMC. Depuis 2016, soit deux ans après l’annexion de la Crimée, l’Ukraine n’importe plus, théoriquement, de gaz directement depuis la frontière russe. Le pays dispose de deux options pour importer son gaz :  les flux inversés physiques, et les flux inversés virtuels.

Ce que l’on appelle « flux inversés » sont des flux de gaz transitant depuis l’Union Européenne vers l’Ukraine. On les qualifie d’« inversés » car historiquement, les flux régionaux de gaz traversent l’Ukraine d’est en ouest. Que l’on ne s’y trompe pas : le gaz provenant de l’UE à destination de l’Ukraine peut être issu de fournisseurs divers, mais il s’agit en grande majorité… de gaz russe ! Passé par le gazoduc Nord Stream (grand frè


Sami Ramdani

Géographe, doctorant Paris-8 Vincennes, l'Institut français de géopolitique