Guerre en Ukraine : l’improbable « second front » des Balkans
Il n’y a pas une ville, petite ou grande, pas un bourg de Bosnie-Herzégovine, de Macédoine du nord, du Monténégro ou de Serbie qui ne possède au moins une kafana, un café où les habitués se retrouvent chaque matin. L’expresso ou le macchiato ont bien souvent remplacé le café turc, les smartphones ont chassé les journaux, mais « la politique mondiale » continue de venir s’inviter aux conversations reprises sans fin. Chacun est bien convaincu que la moindre élection municipale partielle dans la plus reculée des vallées des Balkans est attentivement scrutée par Berlin, Washington et Moscou…

Cette propension à projeter dans un contexte géopolitique les plus locales des vicissitudes politiques peut relever d’une forme de narcissisme balkanique. Elle peut aussi dériver de l’expérience de la Yougoslavie non-alignée de Tito qui jouait incontestablement un rôle « surdimensionné » sur la scène mondiale, mais il faut aussi la voir comme une conséquence de la « construction » géopolitique de « l’objet Balkans », dans la seconde moitié du XIXe siècle : alors que l’Empire ottoman se désagrégeait, les Balkans n’ont pas été colonisés par l’Occident mais les nouveaux États qui émergeaient dans la région ont dû se placer sous le patronage d’une « grande puissance » – c’était alors l’Autriche-Hongrie, l’Allemagne, la France, la Russie ou encore l’Italie.
La situation n’a pas changé en ce début du XXIe siècle, même si la liste des acteurs a connu quelques modifications. Ces relations de clientélisme entre les « petits » États balkaniques et leurs puissants protecteurs expliquent que la région soit toujours une plaque sensible des tensions mondiales mais aussi que les dirigeants locaux, souvent ineptes et corrompus, trouvent toujours dans l’argument géopolitique une justification à leurs turpitudes.
La géopolitique comme prétexte
Dès le début de l’invasion russe en Ukraine, les dirigeants du Kosovo ont multiplié les interviews dans la presse internationale pour assurer que la