Russie, les impasses de la modernisation autoritaire
Le 11 avril 2022, l’ancien député d’opposition Ilya Ponomarev annonce sur sa chaîne Telegram l’arrestation et l’assignation à résidence de l’un des personnages-clé du poutinisme : Vladislav Sourkov. Si la presse russophone et internationale se fait aussitôt largement l’écho de la nouvelle, celle-ci ne fait néanmoins pas l’objet d’une confirmation officielle. Interrogé à ce sujet quelques jours plus tard, le porte-parole du Kremlin affirme ne disposer d’aucune information sur le sujet.
Souvent désigné comme le « cardinal gris du Kremlin » ou le « Raspoutine de Poutine », Sourkov a été le principal architecte du système politique russe durant la décennie 2000. C’est lui qui est à l’origine de la refonte presque totale de l’offre politique pour aboutir à la mise en place d’un système de partis structuré autour d’une hypermajorité pro-présidentielle et d’une poignée de partis minoritaires. Durant cette période il publie régulièrement, en outre, des textes doctrinaux sur la politique intérieure et extérieure, l’un des plus célèbres portant sur la conceptualisation de la « démocratie souveraine » pour qualifier le régime politique russe.

Nommé en 2013 conseiller spécial du Président pour l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et l’Ukraine, il perd en visibilité sur la scène publique avant d’être démis de ses fonctions en 2020. Si ses activités vis-à-vis des républiques séparatistes du Donbass restent encore à documenter tout comme sa situation actuelle, son effacement dans les affaires politiques internes en 2012 avaient marqué une nette inflexion.
On a beaucoup insisté sur les continuités à l’œuvre pour expliquer l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février dernier : une pratique autoritaire du pouvoir par Vladimir Poutine dès sa désignation au poste de Premier ministre le 9 août 1999, une légitimation par la guerre avec le déclenchement quasi-concomitant de la seconde guerre en Tchétchénie, une vision néo-impérialiste de la Russie dans les relations qu’elle entre