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L’affaire Maou ou le resserrement antilibéral du pouvoir russe

Politiste

Alors qu’il incarnait le succès des thèses libérales épousées par une partie des élites russes, l’économiste Vladimir Maou se trouve désormais accusé de détournement de fonds. Passible d’une peine de 15 ans d’emprisonnement, le recteur de l’Académie présidentielle est désormais menacé de perdre sa place et son influence, qui ne se limite pas aux milieux académiques et intellectuels. Loin d’être anodine, cette mise en cause apparaît comme l’une des dernières manifestations en date d’une guerre interne aux cercles du pouvoir qui a pris la forme d’une véritable « chasse aux sorcières » contre les « libéraux ».

La fête bat son plein, en ce matin d’octobre, dans l’amphithéâtre plein à craquer du Centre sibérien de gestion, filiale régionale de l’Académie présidentielle. De petits groupes se succèdent sur l’estrade pour recevoir des mains de Sergueï Sverchkov, le directeur de l’Institut, un diplôme et un énorme bouquet de fleurs. J’en viens rapidement à me demander s’il est même possible de ne pas recevoir de récompense « pour sa participation à la réussite de l’établissement » tant les personnes primées sont nombreuses…

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J’apprécie en tout cas la variété des missions représentées : du doyen de l’établissement aux cuisiniers de la cantine, en passant par le secrétariat de direction, de nombreux enseignants et les agents de sécurité qui gardent les entrées du bâtiment, personne n’échappe aux remerciements appuyés du directeur et aux applaudissements nourris de l’assistance. Le rituel est rodé, les noms et les photos des lauréats défilent sur une présentation PowerPoint sur fond de musique entêtante. Le tout s’accompagnant de force poignées de mains et de l’inaltérable sourire triomphal de Sergueï Sverchkov. Cette cérémonie de récompenses est en fait le bouquet final d’une matinée d’autocélébration de l’institution à l’occasion des 25 ans de l’établissement.

Elle a été inaugurée par un discours du directeur conclu sur une note programmatique pour le moins ambitieuse : « Le chemin à parcourir est encore long, nous pourrons considérer notre mission accomplie lorsque l’un des jeunes gens que nous formons ici sera devenu président de la Fédération de Russie ! » S’il me paraît d’emblée excessif, ce discours fait écho aux différents affichages rencontrés sur le chemin de l’amphithéâtre ce matin-là.

Dès le fronton de l’établissement, on vante en effet « le seul établissement d’enseignement supérieur de Russie présidé par le Président ! », « Un VUZ[1] leader de Russie », ou encore « L’Académie présidentielle, l’avenir de la Russie ! ». Je retrouverai en effet ce discours tout au long de mon enquête ethnographique menée entre 2014 et 2018 au sein de différentes filiales régionales de l’Académie présidentielle dans les régions du Nord-Ouest, de la Volga, de l’Oural, ou encore de Sibérie.

Et la cinquantaine d’établissements qui compose cet immense réseau de l’Académie présidentielle aurait tort de se priver d’une telle publicité. L’équipe au pouvoir l’a, dès sa création sur oukase présidentiel en septembre 2010, placé sur un piédestal. Elle entend faire de l’Académie russe de l’économie nationale et de l’administration publique – le nom complet de l’Académie présidentielle, également connue sous son acronyme russe RANKhiGS – un acteur de la transformation du pays et de la formation de ses élites.

À la fin du mois de juin dernier, pourtant, on apprenait que le recteur de la RANKhiGS, Vladimir Maou, avait été arrêté. Accusé de détournement de fonds par le biais d’emplois fictifs, cet économiste reconnu et réputé proche du pouvoir est passible d’une peine de 15 ans d’emprisonnement. Comment le recteur de cet établissement choyé par le pouvoir a-t-il pu se retrouver dans la tourmente ? Et que va-t-il advenir de cet établissement, désigné comme le creuset de la nouvelle génération de cadres du régime de Vladimir Poutine ?

Quand le pouvoir réprime jusque dans ses rangs

Pour comprendre l’affaire Maou, il convient de la replacer dans la trame de fond d’une autre affaire politico-judiciaire de plus grande ampleur impliquant l’ancienne vice-ministre de l’Éducation, Marina Rakova, et le recteur de la Shaninka, Sergueï Zouev. M. Rakova et S. Zouev sont accusés d’avoir fourni des emplois fictifs au sein de l’Académie présidentielle à douze employés du ministère de l’Éducation. Or, au cours de l’instruction de cette affaire débutée à l’automne 2021, Marina Rakova aurait, au côté d’autres complices présumés, mis en cause Vladimir Maou.

Le cas de Vladimir Maou interpelle car il s’agit d’un cadre du régime parfaitement accommodé et accommodant avec le pouvoir[2]. En tous cas jusqu’au déclenchement de la guerre. En effet, Maou s’est rendu coupable en ne signant pas le texte de l’Union russe des recteurs (RSR) en soutien à Vladimir Poutine et à « l’opération militaire spéciale » en Ukraine, rédigé une semaine après le début de la guerre[3].

Les médias russes qui s’en sont fait l’écho se montraient particulièrement prolixes sur ses liens avec la France et le fait qu’il y jouissait d’un permis de séjour. Certains articles à charge allaient même jusqu’à rapporter qu’il avait purement et simplement « disparu » depuis le déclenchement de l’offensive militaire le 24 février, suggérant une désertion[4]. Alors qu’il semblait en fort mauvaise posture après son arrestation, nous apprenions, le 3 août 2022, que son assignation à résidence avait été levée à condition qu’il s’engage à ne pas quitter la ville, puis, le 5 août, qu’il coopérait avec les enquêteurs. Vladimir Maou refuse, en revanche, de plaider coupable.

Il est difficile à ce stade de savoir si Vladimir Maou est tiré d’affaire. D’abord, il est toujours accusé d’avoir détourné 21 millions de roubles. Ensuite, il serait périlleux de penser que l’affaire est close sur le seul fondement de l’annonce, par le service de communication de l’Académie présidentielle le 10 août 2022[5], de sa reprise de fonction[6]. D’autant qu’au sein de la direction de l’Académie présidentielle, c’est désormais le vice-recteur Ivan Fedotov qui semble faire l’objet des principales accusations. Pour ce qui le concerne, si Vladimir Maou a pu retrouver ses fonctions de recteur de l’Académie présidentielle, il s’est engagé à rester à la disposition des enquêteurs. Il n’est donc ni relaxé ni blanchi.

Dès lors, et même en faisant l’hypothèse d’une « simple » mise en garde, les accusations portées contre le recteur de l’Académie présidentielle ne sont pas anodines. Elles sont l’une des dernières manifestations en date d’une guerre interne aux cercles du pouvoir qui a pris la forme d’une véritable « chasse aux sorcières » contre les « libéraux » dont Maou était un représentant dans l’élite scientifique et intellectuelle[7]. L’arrestation et les poursuites contre Vladimir Maou à partir de la fin du mois de juin témoigne d’un nouveau durcissement des pratiques répressives du pouvoir jusque dans ses propres rangs. Maou est en effet loin d’être un simple administrateur et représente bien davantage au sein de l’élite du pouvoir tandis que la RANKhiGS, elle-même, revêt une importance stratégique pour cette dernière.

Un skilled social actor de circonstance

Au-delà du récit réformateur qui raconte la réunion de quinze établissements d’enseignement supérieur et de formation continue des agents publics – dont, principalement les deux anciennes académies soviétiques de formation des hauts-cadres, d’une part, de l’administration (RAGS), et, d’autre part, de l’économie (ANKh) – la réforme de septembre 2010 portant création de la RANKhiGS renferme des enjeux politiques particulièrement conflictuels engageant la vision de l’État et la formation de ses serviteurs. Cette réforme est le produit d’une constellation particulière d’intérêts[8], représentés par un groupe d’acteurs dont Maou était la figure emblématique et auquel l’équipe au pouvoir s’en est remis pour gérer la mise au pas du secteur de la formation des agents publics[9]. Identifiés comme les acteurs dominants du champ, Vladimir Maou – et sa petite équipe d’économistes et de gestionnaires à la tête de l’Académie de l’économie nationale – a vu sa solution préemptée par le pouvoir.

Dans un contexte de conversion de l’administration russe au nouveau management public et du modèle de l’État modeste et gestionnaire, le prestige et la modernité affichée de l’ANKh lui ont conféré une position de force face à la RAGS, réputée conservatrice et sur le déclin[10]. D’autant que les savoirs promus par la première – économie, gestion et management largement inspiré des travaux occidentaux – tout comme son ambition – former indifféremment des cadres pour l’économie du pays, qu’ils trouvent à s’employer dans le secteur public ou privé – se coulent parfaitement dans le moule de la nouvelle gestion publique fondée sur le postulat d’équivalence entre public et privé et la forte croyance idéologique en une supériorité managériale du privé sur le public[11].

Ainsi, le nouveau management public et les normes et préconisations internationales ont servi de substrat idéologique au sens commun modernisateur et à l’élaboration de référentiels à l’activité réformatrice tandis qu’un petit groupe d’acteurs, issu de l’ANKh, a pris en charge la dimension stratégique de la réforme et assuré sa victoire par la prise de vitesse de ses concurrents directs : les administrateurs de la RAGS.

Les intérêts de l’État fédéral et son tournant néo-managérial – encourager la création de grands établissements en mesure d’être compétitifs sur le marché international de l’enseignement supérieur, notamment – ont coïncidé avec la présence de ces acteurs dominants en capacité d’accroître leur sphère d’influence et de proposer une réforme clé en main d’un dispositif institutionnel de formation hérité de l’Union soviétique. De leur côté, les équipes de l’ANKh ont habilement su faire correspondre leurs intérêts catégoriels avec un air du temps réformateur et les objectifs du pouvoir fédéral et ainsi incarner the right men for the right job ou – en français – des entrepreneurs de réforme[12].

S’il s’est fait à leur bénéfice à court terme, cet arbitrage a profité à l’équipe au pouvoir à plus long terme. Dans ce processus réformateur, l’ancien recteur de l’ANKh à partir de 2002 et jusqu’à ce qu’il soit choisi pour diriger l’Académie présidentielle, a joué un rôle fondamental. Vladimir Aleksandrovich Maou correspond, en effet, au portrait que dressent Alec Stone Sweet, Neil Fligstein et Wayne Sandholtz du skilled social actor[13] en capacité de persuader le pouvoir fédéral du bien-fondé de la fusion des deux établissements tout en parvenant à concilier des visions de l’État, de la formation des agents publics et même des cultures institutionnelles disparates entre l’ANKh et la RAGS.

Un serviteur du pouvoir, porteur d’une certaine vision de l’État

Ancien élève du prestigieux Institut moscovite de l’économie nationale – Plekhanov (MINH), Vladimir Maou a poursuivi ses études d’économie en tant qu’aspirant puis candidat à l’Académie des sciences de l’URSS. Or, au moment de la préparation de sa deuxième thèse[14], Vladimir Maou est recruté par l’Académie de l’économie nationale (ANKh). Il y intègre l’équipe de l’Institut de politique économique dirigé par Iegor Gaïdar[15]. Après un bref passage au ministère des finances de février à avril 1992, Iegor Gaïdar est nommé à la tête du gouvernement en juin et recrute aussitôt ce jeune chercheur en économie. Vladimir Maou est ainsi nommé conseiller du Premier ministre à l’âge de 32 ans. Il suivra son mentor[16] dans ses fonctions de Premier vice-Premier ministre jusqu’en 1994.

Cependant, lorsque Iegor Gaïdar se fait élire à la Douma et fonde un nouveau parti politique, « Le choix démocratique de la Russie »[17], Vladimir Maou préfère revenir à la recherche et l’expertise en économie. Il réintègre ainsi l’Institut Gaïdar et en devient le directeur-adjoint avant d’être nommé directeur du nouveau centre d’analyse de la politique économique créé par le gouvernement en 1997[18].

Cinq ans plus tard, Vladimir Maou est élu recteur de l’Académie de l’économie nationale (ANKh), poste auquel il sera réélu en 2007 avant d’être nommé, le 23 septembre 2010[19], au poste de recteur de l’Académie russe de l’économie nationale et de l’administration publique (RANKhiGS). Ainsi l’homme-fort de la formation des cadres supérieurs et intermédiaires de l’administration russe est-il un disciple de Iegor Gaïdar qui a su se reconvertir habilement sous les présidences de Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev.

Cultivant sa proximité avec les premiers cercles du pouvoir, Vladimir Maou a été régulièrement récompensé et décoré par ce dernier. Au total, il a reçu pas moins de neuf décorations sous le patronage des trois Présidents de la Fédération qui se sont succédé depuis la fin de l’URSS : Boris Eltsine (1991-1999), Vladimir Poutine (1999-2008 puis à partir de 2012) et Dmitri Medvedev (2008-2012). Économiste émérite de la Fédération de Russie depuis 2000, il a notamment été décoré de l’Ordre de l’honneur, en 2009, puis de l’Ordre du mérite pour la Patrie, en 2012, « pour ses mérites dans l’élaboration de la politique socio-économique de l’État et pour l’ensemble de son travail scientifique fructueux », Ordre du mérite au sein duquel il a été élevé au troisième rang, en 2017.

Plusieurs des administrateurs, enseignants-chercheurs et experts, que nous avons interrogés au cours de notre enquête considèrent que c’est justement la renommée du tandem Gaïdar-Tchoubaïs, et de leurs équipes dont a fait partie Vladimir Maou, ainsi que le souvenir de leur méthodes particulièrement radicales, qui expliquent que lui ait été confiée la réforme de l’Académie présidentielle. Comme le résume l’un d’entre eux : « Maou, il fait partie d’une équipe d’économistes qui sont connus pour leur manière de faire assez… je dirais… radicale, et peu attentive aux demandes qui viennent d’en bas […] : des réformes libérales sans penser aux conséquences sociales et aux implications sur le terrain. Donc c’est la thérapie de choc adaptée à l’administration[20]. »

Cette prise de pouvoir – incarnée par Maou mais dont il n’est que la figure de proue – des économistes issus des cercles libéraux à la manœuvre des réformes économiques des années 1990 a marqué leur retour en force dans la détermination de l’agenda de la réforme de l’État en Russie jusqu’à la guerre.

Quel avenir pour l’Académie présidentielle et les libertés académiques en Russie ?

Le verdict de l’affaire Maou n’a pas encore été prononcé sur le terrain judiciaire et Vladimir Maou pourrait finalement être mis hors de cause. Cependant, rien n’est moins sûr à ce stade et, surtout, cette affaire fera quoiqu’il en soit figure d’avertissement pour ce dernier comme pour l’ensemble de la communauté scientifique et universitaire. L’affaire Maou confirme d’ores et déjà que nul n’est à l’abri de l’arbitraire du pouvoir et de la répression de l’appareil d’État.

Ensuite, et au-delà du cas personnel de Maou, ces nouveaux développements n’augurent rien de bon pour les libertés académiques en Russie. L’Académie présidentielle qui compte de nombreux centres de recherches en sciences humaines, économiques et sociales et qui pouvait se targuer d’accueillir encore en son sein une pensée critique, pourrait être enjointe d’entrer encore davantage dans le rang[21] si elle ne veut pas perdre son statut profitable tandis que la nouvelle intensification des restrictions des libertés académiques et autres attaques contre les sciences humaines et sociales[22] inquiètent quant à leur avenir dans une Russie en guerre.


[1] Acronyme signifiant établissement d’enseignement supérieur, en russe.

[2] « The rector who did everything right », article en ligne du journal russe Meduza en date du 1er juillet 2022.

[3] Dans sa déclaration, l’Union russe des recteurs – créée en 1992 et rassemblant plus de 700 recteurs et présidents d’établissements d’enseignement supérieur – prétend parler au nom de la communauté universitaire russe tout entière et explique qu’« il est très important de soutenir [notre] pays, [notre] armée qui défend [notre] sécurité, de soutenir [notre] Président », ajoutant, concernant le rôle de l’enseignement supérieur : « Les universités ont toujours été un pilier de l’État. [Notre] objectif prioritaire est de servir la Russie et de développer son potentiel intellectuel. »

[4] Voir, par exemple, cet article d’un site d’information de la région de Sibérie.

[5] “Vladimir Mau vernulsya k ispolneniyu obyazannostey rektora RANKhiGS” (Vladimir Maou a repris ses fonctions de Recteur de la RANKhiGS”), brève du quotidien russe Kommersant en date du 10/08/2022.

[6] On peut noter, en revanche, que Sergueï Zouev, Recteur de l’école Shaninka, également impliqué dans cette affaire, a lui aussi vu sa sanction assouplie puisqu’il a pu quitter le centre de détention provisoire et été placé en résidence surveillée. À l’inverse, et alors qu’elle a reconnu sa culpabilité et collaboré avec les enquêteurs permettant même l’identification de nouveaux complices, l’ancienne vice-ministre de l’Éducation Marina Rakova a vu sa détention prolongée de deux mois. Cette décision du tribunal répond à la demande des enquêteurs tandis que son concubin et elle sont privés de liberté depuis respectivement les 5 et 6 octobre 2011. Source : “Chinovnitsu otdelili ot uchenykh” (« On sépare la fonctionnaire des scientifiques »), article (ru) en ligne du quotidien économique russe Kommersant publié le 4 août 2022.

[7] Pour davantage de détails, nous renvoyons à notre article publié sur le site du média The Conversation.

[8] Hibou Béatrice (éd.), La bureaucratisation néolibérale, Paris, Éditions La Découverte, 2013, p. 9.

[9] Cette convergence d’intérêt entre l’État fédéral et les acteurs locaux dominants pour mettre au pas un secteur particulier est mise en évidence par Carole Sigman dans son analyse des réformes de l’enseignement supérieur. Elle rappelle l’importance d’associer les deux dimensions de la domination chez Max Weber, l’autorité et la constellation d’intérêts, afin de mieux saisir l’entreprise de restauration de l’autorité du pouvoir fédéral dans la Russie de Vladimir Poutine. Voir notamment : Sigman Carole, « “Retour de l’État” et formes de domination en Russie : Le cas de l’enseignement supérieur », Revue française de science politique, vol. 66, n° 6, 2016, p. 916.

[10] Voir notamment sur ce point ce qu’écrivait Andreï Vasilʹevich Dakhin, qu’on peut qualifier d’insider en tant qu’enseignant à la RAGS dans les années 1990 et 2000, et qui mettait en évidence, dès 2004, les évolutions paradoxales et non-concomitantes de l’administration – suite notamment aux réformes du début des années 2000 – et de la RAGS qui lui faisaient craindre un déclassement progressif de l’académie de la fonction publique. Source : Andrej V. Dakhin, « How the former high party school of the soviet communist Party changed in the context of state reform process? A Russian experience » in Helfrich Hede (éd.), Impact of culture on human interaction: clash or challenge?, Cambridge, MA, Hogrefe, 2008, p. 140.

[11] Bezes Philippe et Le Lidec Patrick, « Ce que les réformes font aux institutions », in Sociologie de l’institution, Éditions Belin, 2011, p. 78.

[12] On peut, à la suite de Philippe Bezès et Patrick Le Lidec, définir ces entrepreneurs de réforme comme un « groupe d’acteurs qui revendiquent l’intention et sont en position de transformer les règles d’une institution en faisant montre de compétences et de ressources pour élaborer des diagnostics, promouvoir des solutions et constituer des coalitions favorables à leur projets ». Source : Bezès Philippe et Le Lidec Patrick, « Ordre institutionnel et genèse des réformes », in Sociologie de l’institution, Éditions Belin, 2011, p. 58.

[13] Stone Sweet Alec, Sandholtz Wayne et Fligstein Neil (éds.), The institutionalization of Europe, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 11.

[14] Il devient Docteur en sciences économiques en 1994. En URSS puis en Russie, la thèse conférant le grade de Doktor Nauk (Docteur des sciences) est la deuxième thèse qui suit la première thèse dite d’aspirant (aspirant) qui confère le grade Kandidat Nauk.

[15] Voir, pour plus de détails sur ce point, l’interview de Vladimir Maou à l’agence de presse russe TASS publiée le 29 décembre 2019.

[16] Si l’usage de ce terme ne semble pas abusif d’après le témoignage même de l’intéressé, il convient de préciser que Vladimir Maou prend aujourd’hui soin de se distinguer de Iegor Gaïdar et de ses choix de politique économique, en particulier concernant la thérapie de choc et le volet touchant à la libéralisation des prix : « En septembre 1991, Gaïdar et ses collègues se sont réunis pour un programme visant à approfondir les réformes. Je n’y ai pas participé, car j’étais alors sceptique quant à l’idée de la libéralisation des prix. J’ai considéré que c’était une étape trop risquée. » Source : Interview de Vladimir Maou à l’agence de presse russe TASS, Ibid.

[17] Il s’agit d’un parti libéral-conservateur de centre-droit, membre du « bloc démocratique » et soutien aux réformes. Voir la biographie de Iegor Gaïdar sur le site internet officiel du Forum Gaïdar.

[18] Ce centre est créé sur arrêté du gouvernement en date du 9 décembre 1997 (N°1529) « sur les activités du Centre des réformes économiques près le gouvernement de la Fédération de Russie » (Postanovlenie ot 9 dekabrâ 1997 g. N 1529 « O Rabočem centre èkonomičeskih reform pri Pravitelʹstve Rossijskoj Federacii »). Il est créé, y lit-on, « afin d’améliorer l’analyse et l’information économiques et améliorer l’action du gouvernement de la Fédération de Russie en matière de développement économique et de réformes ».

[19] Arrêté du gouvernement de la Fédération de Russie du 23 septembre 2010 N°1562-R (Pravitelʹʹstvo Rossijskoj Federacii Rasporâženie ot 23 sentâbrâ 2010 N°1562-r).

[20] Extrait d’un entretien semi-directif réalisé en 2017 avec un enseignant-chercheur d’une filiale régionale de l’Académie présidentielle.

[21] Le quotidien russe Kommersant rapportait au début du mois d’avril dernier que des informations avaient été demandées par le ministère de l’intérieur concernant une dizaine d’enseignants-chercheurs de l’Académie présidentielle et de la Shaninka. Si le motif invoqué faisait le lien avec l’enquête en cours visant le Recteur de la Shaninka, la source citée par l’article nuance cet argument : « Pour autant que je sache, ces informations ont été demandées dans le cadre de l’affaire pénale contre le recteur […] mais je sais pertinemment que […] le point commun de toutes ces personnes est qu’elles s’expriment publiquement et activement sur diverses questions. » Source : « V Šaninku postupili prokurorskie i policejskie » (« Des procureurs et des policiers admis à la Shaninka »), Kommersant, 1er avril 2022.

[22] Le programme de liberal arts de la RANKhiGS a été renommé après que le bureau du procureur de Moscou le juge dangereux car susceptible de « détruire les valeurs traditionnelles de la société russe ». Voir l’article : « Programmu Liberal Arts RANKhiGS pereimenovali v “Mnogoprofilʹnyĭ bakalavriat” » (« Le programme de “liberal arts” de la RANKhiGS renommé “Bakalavriat pluridisciplinaire” »), Mediazona, 6 avril 2022. Voir aussi la décision de supprimer les enseignements de sciences sociales dans les universités pédagogiques qui forment les enseignants : « Pri V.V. Putine mne ni razu ne prihodilosʹ prâtatʹsâ po podvalam » (« Sous V. Poutine, je n’ai jamais eu à me cacher dans les sous-sols »), Novaya Gazeta, 23 mars 2022. Voir également le texte d’Alain Blum et Juliette Cadiot publié dans le journal Le Monde, « En France, les sciences humaines et sociales ne sont pas au service du politique », 23 février 2022.

Voir également sur ce point les articles détaillés d’Estelle Levresse dans l’édition du mois d’août 2022 du Monde Diplomatique intitulés : « Coûteuse lutte des places à l’université en Russie » et surtout « Les sciences sociales, cible des censeurs », Le Monde diplomatique, n° 821 – 69ème année, août 2022, p. 12-14.

Victor Violier

Politiste, Post-doctorant au CERI de Sciences Po, résident à l'IRSEM

Notes

[1] Acronyme signifiant établissement d’enseignement supérieur, en russe.

[2] « The rector who did everything right », article en ligne du journal russe Meduza en date du 1er juillet 2022.

[3] Dans sa déclaration, l’Union russe des recteurs – créée en 1992 et rassemblant plus de 700 recteurs et présidents d’établissements d’enseignement supérieur – prétend parler au nom de la communauté universitaire russe tout entière et explique qu’« il est très important de soutenir [notre] pays, [notre] armée qui défend [notre] sécurité, de soutenir [notre] Président », ajoutant, concernant le rôle de l’enseignement supérieur : « Les universités ont toujours été un pilier de l’État. [Notre] objectif prioritaire est de servir la Russie et de développer son potentiel intellectuel. »

[4] Voir, par exemple, cet article d’un site d’information de la région de Sibérie.

[5] “Vladimir Mau vernulsya k ispolneniyu obyazannostey rektora RANKhiGS” (Vladimir Maou a repris ses fonctions de Recteur de la RANKhiGS”), brève du quotidien russe Kommersant en date du 10/08/2022.

[6] On peut noter, en revanche, que Sergueï Zouev, Recteur de l’école Shaninka, également impliqué dans cette affaire, a lui aussi vu sa sanction assouplie puisqu’il a pu quitter le centre de détention provisoire et été placé en résidence surveillée. À l’inverse, et alors qu’elle a reconnu sa culpabilité et collaboré avec les enquêteurs permettant même l’identification de nouveaux complices, l’ancienne vice-ministre de l’Éducation Marina Rakova a vu sa détention prolongée de deux mois. Cette décision du tribunal répond à la demande des enquêteurs tandis que son concubin et elle sont privés de liberté depuis respectivement les 5 et 6 octobre 2011. Source : “Chinovnitsu otdelili ot uchenykh” (« On sépare la fonctionnaire des scientifiques »), article (ru) en ligne du quotidien économique russe Kommersant publié le 4 août 2022.

[7] Pour davantage de détails, nous renvoyons à notre article publié sur le site du média The Conversation.

[8] Hibou Béatrice (éd.), La bureaucratisation néolibérale, Paris, Éditions La Découverte, 2013, p. 9.

[9] Cette convergence d’intérêt entre l’État fédéral et les acteurs locaux dominants pour mettre au pas un secteur particulier est mise en évidence par Carole Sigman dans son analyse des réformes de l’enseignement supérieur. Elle rappelle l’importance d’associer les deux dimensions de la domination chez Max Weber, l’autorité et la constellation d’intérêts, afin de mieux saisir l’entreprise de restauration de l’autorité du pouvoir fédéral dans la Russie de Vladimir Poutine. Voir notamment : Sigman Carole, « “Retour de l’État” et formes de domination en Russie : Le cas de l’enseignement supérieur », Revue française de science politique, vol. 66, n° 6, 2016, p. 916.

[10] Voir notamment sur ce point ce qu’écrivait Andreï Vasilʹevich Dakhin, qu’on peut qualifier d’insider en tant qu’enseignant à la RAGS dans les années 1990 et 2000, et qui mettait en évidence, dès 2004, les évolutions paradoxales et non-concomitantes de l’administration – suite notamment aux réformes du début des années 2000 – et de la RAGS qui lui faisaient craindre un déclassement progressif de l’académie de la fonction publique. Source : Andrej V. Dakhin, « How the former high party school of the soviet communist Party changed in the context of state reform process? A Russian experience » in Helfrich Hede (éd.), Impact of culture on human interaction: clash or challenge?, Cambridge, MA, Hogrefe, 2008, p. 140.

[11] Bezes Philippe et Le Lidec Patrick, « Ce que les réformes font aux institutions », in Sociologie de l’institution, Éditions Belin, 2011, p. 78.

[12] On peut, à la suite de Philippe Bezès et Patrick Le Lidec, définir ces entrepreneurs de réforme comme un « groupe d’acteurs qui revendiquent l’intention et sont en position de transformer les règles d’une institution en faisant montre de compétences et de ressources pour élaborer des diagnostics, promouvoir des solutions et constituer des coalitions favorables à leur projets ». Source : Bezès Philippe et Le Lidec Patrick, « Ordre institutionnel et genèse des réformes », in Sociologie de l’institution, Éditions Belin, 2011, p. 58.

[13] Stone Sweet Alec, Sandholtz Wayne et Fligstein Neil (éds.), The institutionalization of Europe, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 11.

[14] Il devient Docteur en sciences économiques en 1994. En URSS puis en Russie, la thèse conférant le grade de Doktor Nauk (Docteur des sciences) est la deuxième thèse qui suit la première thèse dite d’aspirant (aspirant) qui confère le grade Kandidat Nauk.

[15] Voir, pour plus de détails sur ce point, l’interview de Vladimir Maou à l’agence de presse russe TASS publiée le 29 décembre 2019.

[16] Si l’usage de ce terme ne semble pas abusif d’après le témoignage même de l’intéressé, il convient de préciser que Vladimir Maou prend aujourd’hui soin de se distinguer de Iegor Gaïdar et de ses choix de politique économique, en particulier concernant la thérapie de choc et le volet touchant à la libéralisation des prix : « En septembre 1991, Gaïdar et ses collègues se sont réunis pour un programme visant à approfondir les réformes. Je n’y ai pas participé, car j’étais alors sceptique quant à l’idée de la libéralisation des prix. J’ai considéré que c’était une étape trop risquée. » Source : Interview de Vladimir Maou à l’agence de presse russe TASS, Ibid.

[17] Il s’agit d’un parti libéral-conservateur de centre-droit, membre du « bloc démocratique » et soutien aux réformes. Voir la biographie de Iegor Gaïdar sur le site internet officiel du Forum Gaïdar.

[18] Ce centre est créé sur arrêté du gouvernement en date du 9 décembre 1997 (N°1529) « sur les activités du Centre des réformes économiques près le gouvernement de la Fédération de Russie » (Postanovlenie ot 9 dekabrâ 1997 g. N 1529 « O Rabočem centre èkonomičeskih reform pri Pravitelʹstve Rossijskoj Federacii »). Il est créé, y lit-on, « afin d’améliorer l’analyse et l’information économiques et améliorer l’action du gouvernement de la Fédération de Russie en matière de développement économique et de réformes ».

[19] Arrêté du gouvernement de la Fédération de Russie du 23 septembre 2010 N°1562-R (Pravitelʹʹstvo Rossijskoj Federacii Rasporâženie ot 23 sentâbrâ 2010 N°1562-r).

[20] Extrait d’un entretien semi-directif réalisé en 2017 avec un enseignant-chercheur d’une filiale régionale de l’Académie présidentielle.

[21] Le quotidien russe Kommersant rapportait au début du mois d’avril dernier que des informations avaient été demandées par le ministère de l’intérieur concernant une dizaine d’enseignants-chercheurs de l’Académie présidentielle et de la Shaninka. Si le motif invoqué faisait le lien avec l’enquête en cours visant le Recteur de la Shaninka, la source citée par l’article nuance cet argument : « Pour autant que je sache, ces informations ont été demandées dans le cadre de l’affaire pénale contre le recteur […] mais je sais pertinemment que […] le point commun de toutes ces personnes est qu’elles s’expriment publiquement et activement sur diverses questions. » Source : « V Šaninku postupili prokurorskie i policejskie » (« Des procureurs et des policiers admis à la Shaninka »), Kommersant, 1er avril 2022.

[22] Le programme de liberal arts de la RANKhiGS a été renommé après que le bureau du procureur de Moscou le juge dangereux car susceptible de « détruire les valeurs traditionnelles de la société russe ». Voir l’article : « Programmu Liberal Arts RANKhiGS pereimenovali v “Mnogoprofilʹnyĭ bakalavriat” » (« Le programme de “liberal arts” de la RANKhiGS renommé “Bakalavriat pluridisciplinaire” »), Mediazona, 6 avril 2022. Voir aussi la décision de supprimer les enseignements de sciences sociales dans les universités pédagogiques qui forment les enseignants : « Pri V.V. Putine mne ni razu ne prihodilosʹ prâtatʹsâ po podvalam » (« Sous V. Poutine, je n’ai jamais eu à me cacher dans les sous-sols »), Novaya Gazeta, 23 mars 2022. Voir également le texte d’Alain Blum et Juliette Cadiot publié dans le journal Le Monde, « En France, les sciences humaines et sociales ne sont pas au service du politique », 23 février 2022.

Voir également sur ce point les articles détaillés d’Estelle Levresse dans l’édition du mois d’août 2022 du Monde Diplomatique intitulés : « Coûteuse lutte des places à l’université en Russie » et surtout « Les sciences sociales, cible des censeurs », Le Monde diplomatique, n° 821 – 69ème année, août 2022, p. 12-14.