écologie

Le régime du soin pour la nature : leçons d’architecture tirées des crues de la Roya et de la Vésubie

Architecte, Urbaniste

Provoquées par la tempête Alex, les crues de la Roya et de la Vésubie ont, il y a deux ans, coûté la vie à 18 personnes, emporté 192 maisons et bâtiments, et 37,5 hectares de terrains constructibles. La journée internationale de prévention des catastrophes naturelles, ce jeudi 13 octobre, offre l’occasion d’un retour sur une expérience de réparations qui a déjà coûté environ un milliard et demi d’euros.

Nul ne saurait ignorer que les inondations catastrophiques récentes provoquées par la mousson au Pakistan, le typhon Nanmandol au Japon, l’ouragan Fiona de la Guadeloupe à Terre Neuve doivent une part de leur ampleur et de leur violence au changement climatique.

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En prélude à la journée internationale de prévention des catastrophes naturelles du 13 octobre 2022, l’ONU rappelle que la Terre a subi entre 350 et 500 catastrophes par an depuis vingt ans, et doit se préparer à en subir environ 560 par an d’ici 2030. Cela ne doit nous faire ignorer ni la singularité de ces catastrophes ni les multiples visages des désastres que chacune a produit. Cette diversité complique le long effort de reconstruction des territoires sinistrés, comme je l’ai découvert dans les villages des Alpes-Maritimes inondés à la suite de la tempête Alex en 2020, dont ce 3 octobre marque le second anniversaire.

Il faut rappeler que les crues de la Roya et de la Vésubie ont coûté la vie à 18 personnes, emporté 192 maisons et bâtiments, et 37,5 hectares de terrains constructibles. Elles ont aussi déjà coûté environ un milliard et demi d’euros de réparations. Ayant été appelé à aider les maires de huit communes sinistrées par le préfet délégué à la reconstruction des vallées, Xavier Pelletier, et à élaborer des plans d’aménagement après le rétablissement des voies de communication entre la Côte d’Azur et les vallées, j’en ai retiré le sentiment très fort que l’architecture et l’urbanisme étaient appelés à un changement radical de régime.

Je veux dire que nous sommes en train de sortir du régime esthétique de l’architecture, si je peux emprunter l’idée de régime à Jacques Rancière, pour entrer dans le régime du soin dans les rapports entre humains et non-humains. Plus précisément, j’en retire l’idée que l’architecture doit assumer un rôle d’ajustement aux particularités locales au service d’une transition écologique de portée nationale. 

Les plans de protection des risques d’inondation éta


[1]C’est bien l’horreur dont il est question ; les habitants ont été emportés avec leurs maisons : le rapport scientifique de 1927 note : « Dans la nuit (mercredi 24, 3 heures) un grondement se fit entendre, une énorme « loupe » de glissement décolla au sommet de la colline près du cimetière, descendit en deux à trois minutes sur la pente, enlevant ou recouvrant les lacets de la route et vint démolir ou ensevelir onze maisons, dont la mairie, avec dix-neuf personnes. », Annales de Géographie, 36e Année, n° 200 (15 mars 1927), pp. 115-124.

[2]La théorie dialectique sous-jacente à cette notion a été présentée initialement dans mon Habilitation à Diriger les Recherches. Elle est exposée dans mon livre Architecture pour la Santé du Vivant pour paraitre aux Presses de l’Université de Montréal.

Eric Daniel-Lacombe

Architecte, Urbaniste, Professeur titulaire de la chaire « Nouvelles urbanités face aux risques naturels » à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-La Villette

Notes

[1]C’est bien l’horreur dont il est question ; les habitants ont été emportés avec leurs maisons : le rapport scientifique de 1927 note : « Dans la nuit (mercredi 24, 3 heures) un grondement se fit entendre, une énorme « loupe » de glissement décolla au sommet de la colline près du cimetière, descendit en deux à trois minutes sur la pente, enlevant ou recouvrant les lacets de la route et vint démolir ou ensevelir onze maisons, dont la mairie, avec dix-neuf personnes. », Annales de Géographie, 36e Année, n° 200 (15 mars 1927), pp. 115-124.

[2]La théorie dialectique sous-jacente à cette notion a été présentée initialement dans mon Habilitation à Diriger les Recherches. Elle est exposée dans mon livre Architecture pour la Santé du Vivant pour paraitre aux Presses de l’Université de Montréal.