Le monde selon GPT (2/2) Mais de quoi donc parle-t-il ?
Résultat d’une longue histoire, et présupposant quelques thèses philosophiques majeures, GPT, les grands modèles de langage dont il est le représentant le plus fameux, et les intelligences artificielles génératives en général, habitent un grand hyperespace des intelligences possibles, où elles résident à une grande distance de l’intelligence qui est la nôtre.

Ceci étant, nous communiquons : GPT nous parle ; mais s’il ne pense pas comme nous, si même il est discutable qu’il pense, de quoi peut-il bien nous parler ? Pour répondre à cette question, nous devrons passer par la théorie dite des mondes possibles, initiée il y a plusieurs siècles par Leibniz mais élaborée au vingtième siècle, qui fit ses preuves pour rendre compte de ce qu’est le référent d’un énoncé. Je défendrai dans ce qui suit une thèse sur le référent des phrases de GPT, qui éclairera certains des paradoxes auxquels cette machine aujourd’hui nous confronte.
Le langage, le monde et les mondes
L’idée d’une étanchéité entre intelligences, supposément conséquence de cette multiplicité d’intelligences, ne va en réalité pas de soi. Nous communiquons avec les chiens, parfois même avec les poulpes, et nous parlons aux IA avec des phrases. Que signifie cette possibilité d’échange, hormis le simple fait que la convolution entre humains et IA, comme la coévolution entre humains et loups, permet en effet une sorte de « langue commune » ?
Dans Investigation Philosophique (1990), Wittgenstein écrivait, en une formule frappante : « Si un lion pouvait parler, nous ne pourrions pas le comprendre. » Il signifiait par là que la compréhension d’un discours, d’une langue même, suppose une communauté de forme de vie. Mêmes traduites en « humain », les phrases du lion ne feraient pas sens pour nous puisqu’elles ne se rapporteraient à rien qui fait « notre » monde.
Il semble que nous comprenons GPT et les IA génératives en général. Il s’ensuivrait que nous partageons avec elles quelque chose comme une forme de vie,