International

Tourisme et sexualité à Zanzibar

Anthropologue

En 2022, l’archipel tanzanien de Zanzibar accueillait plus d’un demi-million de touristes sur son territoire. Contrairement au profil des vacanciers d’autres destinations emblématiques du tourisme balnéaire en Afrique comme le Kenya, la Gambie ou le Sénégal, ceux qui visitent Zanzibar sont en majorité des jeunes femmes venues d’Europe ou d’Amérique du Nord. Alors que leur tenue vestimentaire et leurs comportements sexuels sont accusés de pervertir la jeunesse locale, les jeunes hommes zanzibaris savent tirer parti des relations intimes qu’ils engagent avec elles.

Si l’Afrique n’accueille aujourd’hui qu’environ 5 % des touristes, loin derrière l’Europe ou l’Asie, le continent enregistre toutefois une croissance quasi continue du nombre de ses visiteurs au long du XXe siècle[1]. Les prévisions de l’Organisation mondiale du tourisme indiquent même que le continent devrait connaître un doublement de sa fréquentation touristique à l’horizon 2030[2]. L’engouement pour Zanzibar, archipel situé à quelques kilomètres des côtes tanzaniennes, s’inscrit dans cette dynamique générale de croissance touristique en Afrique. En moins de quinze ans, le nombre de visiteurs à Zanzibar a quadruplé, passant de 125 000 en 2005 à plus de 500 000 en 2019.

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Le succès que rencontre aujourd’hui Zanzibar n’a pourtant rien d’évident. Contrairement à d’autres destinations d’Afrique subsaharienne qui se sont tournées vers le tourisme dès avant les indépendances, l’archipel tanzanien est longtemps resté fermé aux visiteurs étrangers. Les historiens rapportent ainsi que dans les années 1960, sous le régime socialiste d’Abeid Karume, les visiteurs étrangers ne pouvaient pas séjourner plus de trois jours sur l’île, et que leurs déplacements étaient étroitement surveillés.

Les officiers du Tanzania friendship tourist bureau rencontraient tous les visiteurs à leur point d’arrivée à Zanzibar. Ces derniers étaient briefés sur les coutumes locales, se voyaient remettre des documents sur lesquels figuraient les tenues appropriées pour circuler sur l’île, et étaient menacés d’expulsion s’ils portaient des shorts ou avaient des comportements transgressifs au regard des normes culturelles et religieuses locales[3]. Des kanga (pagnes en coton) étaient distribués aux femmes à cette occasion pour qu’elles se couvrent la tête comme le veut l’usage dans l’archipel, où l’on estime à 95 % la part de la population musulmane. D’une manière générale, jusque dans les années 1980, le gouvernement de Zanzibar a limité les investissements et échanges extérieurs, et contrôlé


[1] Organisation mondiale du tourisme (2019), « Faits saillants du tourisme », édition 2019, OMT, Madrid.

[2] United Nation world tourism organization (Unwto) (2014), « Tourism in Africa: a tool for development », Affiliate members regional reports, Volume four.

[3] Keshodkar Akbar (2013), Tourism and Social Change in Post-Socialist Zanzibar. Struggle for identity, movement and civilization, Lanham : Lexington Books.

[4] Beckmann Nadine (2015), « Pleasure and danger: Muslim views on sex and gender in Zanzibar », In: Stiles Erin and Thompson Katherine (eds) Gendered Lives in the Western Indian Ocean. Islam, Marriage, and Sexuality on the Swahili Coast. Athes: Ohio University Press, p. 117-140.

[5] Burgess Thomas (2002), « Cinema, bell bottoms, and miniskirts: struggle over youth and citizenship in revolutionary Zanzibar », International Journal of African Historical Studies 35 (2-3): 287-313.

[6] Parkin David (1995), « Blank banners and Islamic consciousness in Zanzibar », In: Cohen Anthony and Rapport Nigel (eds), Questions of Consciousness, London : Routledge, p. 198-216.

[7] Zanzibar aids commission : « Wanawake watakiwa kuvaa nguo zenye heshima » (« Les femmes sont invitées à s’habiller de manière respectueuse »), consulté le 19 février 2018.

[8] Voir par exemple « Zanzibar: Where women come to buy sex »,  publié le 08 mai 2016 sur Mzalendo.net, consulté le 15 avril 2019.

Altaïr Despres

Anthropologue, chargée de recherche au CNRS à l’Institut des mondes africains (IMAF)

Notes

[1] Organisation mondiale du tourisme (2019), « Faits saillants du tourisme », édition 2019, OMT, Madrid.

[2] United Nation world tourism organization (Unwto) (2014), « Tourism in Africa: a tool for development », Affiliate members regional reports, Volume four.

[3] Keshodkar Akbar (2013), Tourism and Social Change in Post-Socialist Zanzibar. Struggle for identity, movement and civilization, Lanham : Lexington Books.

[4] Beckmann Nadine (2015), « Pleasure and danger: Muslim views on sex and gender in Zanzibar », In: Stiles Erin and Thompson Katherine (eds) Gendered Lives in the Western Indian Ocean. Islam, Marriage, and Sexuality on the Swahili Coast. Athes: Ohio University Press, p. 117-140.

[5] Burgess Thomas (2002), « Cinema, bell bottoms, and miniskirts: struggle over youth and citizenship in revolutionary Zanzibar », International Journal of African Historical Studies 35 (2-3): 287-313.

[6] Parkin David (1995), « Blank banners and Islamic consciousness in Zanzibar », In: Cohen Anthony and Rapport Nigel (eds), Questions of Consciousness, London : Routledge, p. 198-216.

[7] Zanzibar aids commission : « Wanawake watakiwa kuvaa nguo zenye heshima » (« Les femmes sont invitées à s’habiller de manière respectueuse »), consulté le 19 février 2018.

[8] Voir par exemple « Zanzibar: Where women come to buy sex »,  publié le 08 mai 2016 sur Mzalendo.net, consulté le 15 avril 2019.