Tourisme et sexualité à Zanzibar
Si l’Afrique n’accueille aujourd’hui qu’environ 5 % des touristes, loin derrière l’Europe ou l’Asie, le continent enregistre toutefois une croissance quasi continue du nombre de ses visiteurs au long du XXe siècle[1]. Les prévisions de l’Organisation mondiale du tourisme indiquent même que le continent devrait connaître un doublement de sa fréquentation touristique à l’horizon 2030[2]. L’engouement pour Zanzibar, archipel situé à quelques kilomètres des côtes tanzaniennes, s’inscrit dans cette dynamique générale de croissance touristique en Afrique. En moins de quinze ans, le nombre de visiteurs à Zanzibar a quadruplé, passant de 125 000 en 2005 à plus de 500 000 en 2019.

Le succès que rencontre aujourd’hui Zanzibar n’a pourtant rien d’évident. Contrairement à d’autres destinations d’Afrique subsaharienne qui se sont tournées vers le tourisme dès avant les indépendances, l’archipel tanzanien est longtemps resté fermé aux visiteurs étrangers. Les historiens rapportent ainsi que dans les années 1960, sous le régime socialiste d’Abeid Karume, les visiteurs étrangers ne pouvaient pas séjourner plus de trois jours sur l’île, et que leurs déplacements étaient étroitement surveillés.
Les officiers du Tanzania friendship tourist bureau rencontraient tous les visiteurs à leur point d’arrivée à Zanzibar. Ces derniers étaient briefés sur les coutumes locales, se voyaient remettre des documents sur lesquels figuraient les tenues appropriées pour circuler sur l’île, et étaient menacés d’expulsion s’ils portaient des shorts ou avaient des comportements transgressifs au regard des normes culturelles et religieuses locales[3]. Des kanga (pagnes en coton) étaient distribués aux femmes à cette occasion pour qu’elles se couvrent la tête comme le veut l’usage dans l’archipel, où l’on estime à 95 % la part de la population musulmane. D’une manière générale, jusque dans les années 1980, le gouvernement de Zanzibar a limité les investissements et échanges extérieurs, et contrôlé