Le nomadisme, un « exode urbain » invisibilisé ?
« Nous sommes tous aliénés. »
H. Lefebvre, 1940
Contrairement au cadrage médiatique dominant de l’« exode urbain » (un terme lui-même hautement problématique) depuis la pandémie de Covid-19, les cadres en télétravail (dont le style de vie reste ancré en ville) et les ménages disposant des ressources pour assurer leur « transition rurale » (en se lançant dans l’agriculture, l’artisanat, le tourisme etc.) ne sont pas les seuls groupes tentés par un départ hors des grandes villes. On observe ainsi depuis quelques années un « renouveau » de certaines campagnes déshéritées par l’exode rural – ce dernier constituant un processus historique bien réel, qui a modelé l’espace français et conduit à l’émergence de la « diagonale du vide ». Enclavés et pauvres, ces espaces restent peu attractifs pour les actifs bien insérés dans l’économie de services. En revanche, ces mêmes caractéristiques les rendent intéressants pour d’autres catégories de populations. Mais ces flux, qui semblent avoir augmenté depuis la pandémie, sont complètement passés sous les radars des médias.

Co-animateur d’une étude menée en temps réel pour faire le point sur cet « exode urbain », j’étais bien placé pour mesurer ce décalage : les premiers retours de terrain ne laissaient guère voir la vague annoncée de cadres en télétravail ou de néo-ruraux capables de s’acheter une maison ou un terrain pour y développer une nouvelle activité ; en revanche, j’ai rapidement remarqué que dans mon quartier de résidence (un quartier mixte péricentral de Montpellier), plusieurs de mes voisins et connaissances étaient tentés, à l’issue du confinement, d’opter pour un changement de vie radical en achetant un van aménageable. Des ateliers collectifs ont été organisés, qui réunissaient jusqu’à une centaine de personnes. Bien organisés, ils évoquaient différents aspects concrets liés au déménagement hors de la grande ville : comment accéder à un terrain à cultiver, comment constituer un collectif, quel rapport aux in