Grouper les élèves selon leur niveau : un pari risqué
Le regroupement des élèves par niveau obéit à une logique de séparation pour gérer l’hétérogénéité bien réelle des élèves. Il s’agit de séparer les élèves de leur cohorte ou d’éclater cette cohorte en classes ou groupes distincts pour leur proposer un enseignement en principe mieux adapté à leurs caractéristiques, leurs besoins ou leur rythme d’apprentissage.

La réduction de l’hétérogénéité des groupes d’apprentissage qui résulte de ce tri apparait souvent, aux yeux des acteurs de terrain, comme une condition nécessaire à la mise en place d’une pédagogie adaptée aux besoins de chacun.
Or, selon Oakes, Gamoran et Page, la justification du regroupement par aptitude – la diminution de l’hétérogénéité des groupes – est loin d’être atteinte dans les faits : « des études mettent en évidence un recouvrement considérable entre les savoir-faire et les habiletés des élèves des différents groupes. Ainsi, la mesure dans laquelle le regroupement par niveau réduit l’hétérogénéité est peut-être bien moindre que ce que l’on prétend habituellement »[1]. En dépit de l’existence de classes de niveau, l’hétérogénéité des classes reste importante, trop importante sans doute aux yeux de nombreux enseignants pour que ceux-ci mettent en place les formes de différenciation pédagogiques réputées efficaces.
Comme pour le redoublement, nombre d’acteurs du monde éducatif – enseignants et parents, décideurs politiques – sont convaincus des vertus du regroupement des élèves par aptitude : non seulement celui-ci serait garant d’efficacité, mais aussi nécessaire – enseigner à des élèves aux aptitudes trop diverses serait impossible. Ces croyances, moins étudiées que celles relatives au redoublement, trouvent une expression emblématique dans la crainte du « nivellement par le bas » : pour beaucoup, il est évident que quand on éduque tous les élèves ensemble, sans filières, sans classes de niveau, les plus faibles tirent les meilleurs vers le bas. Les recherches montrent que cette crainte e