économie

Assureurs privés et individualisation de la protection sociale

Économiste

Depuis le 1er octobre, les assurés sociaux participent davantage au paiement des frais relatifs aux honoraires des chirurgiens-dentistes. Ce transfert de prise en charge de l’assurance maladie obligatoire vers l’assurance maladie complémentaire poursuit un processus d’individualisation de la protection sociale, révélant combien les logiques assurantielles privées interviennent désormais dans la protection sociale.

Les diverses transformations de la protection sociale sont aujourd’hui bien identifiées dans les recherches en sciences sociales. L’une des évolutions les plus documentées est le transfert de prise en charge financière des soins de la Sécurité sociale vers les organismes complémentaires. Si le financement global des dépenses de santé par la Sécurité sociale est passé de 76 % à 80 % entre 2012 et 2022 selon la DREES, celui des complémentaires santé pour l’optique et les soins dentaires est passé respectivement de 66 % à 73 % et de 38 % à 45 %.

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Ce retrait de la Sécurité sociale dans le financement de l’optique et des soins dentaires témoigne d’un accroissement de l’espace de marché dans lequel interviennent les trois organismes complémentaires (les mutuelles, les institutions de prévoyance et les sociétés d’assurance). Le principal argument mobilisé pour justifier ce transfert est d’ordre financier : c’est la volonté d’une maîtrise des dépenses sociales.

La principale conséquence de cette évolution est supportée par les assurés sociaux : l’assurance santé privée est inégalitaire et coûteuse. Les types de couvertures complémentaires santé (individuelle, collective, dispositif public) et l’absence de couverture sont fortement liées au statut d’emploi. Par exemple, 12 % des personnes qui constituent les 20 % les plus pauvres n’avaient pas de couverture complémentaire santé en 2014 selon la DREES. De plus, l’assurance privée est coûteuse : la DREES montre que les charges de gestion représentent 20 % des cotisations collectées par les organismes complémentaires, ce qui signifie que cette partie des cotisations n’est pas reversée sous la forme de prestations de santé.

Les inégalités liées à l’accès à une complémentaire santé et l’articulation entre un régime d’assurance obligatoire et un régime d’assurance complémentaire avaient fait l’actualité il y a quelques années. La parution du rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) en janvier 2


[1] Le ticket modérateur désigne la part des frais restant à la charge des ménages après intervention de la Sécurité sociale.

[2] Les valeurs et principes historiques portés par la Mutualité française sont les suivants : solidarité, démocratie, égalité, non-lucrativité et liberté d’adhésion.

[3] 51 entretiens semi-directifs ont été réalisés entre 2020 et 2021, dans le cadre d’une thèse de doctorat, auprès d’acteurs mutualistes, le plus souvent avec des membres de la direction ou d’élus (à l’assemblée générale ou au conseil d’administration).

[4] L’UNOCAM réunit la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), la Fédération française de l’assurance (FFA), le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), le Régime local d’assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de la Moselle, ainsi que la Fédération nationale indépendante des mutuelles (FNIM).

[5] Les éléments présentés sur les réseaux de soins vont être publiés dans un article scientifique à paraître dans la revue Économie appliquée.

Cécile Vasseur

Économiste, Docteure à l'Université de Lille

Notes

[1] Le ticket modérateur désigne la part des frais restant à la charge des ménages après intervention de la Sécurité sociale.

[2] Les valeurs et principes historiques portés par la Mutualité française sont les suivants : solidarité, démocratie, égalité, non-lucrativité et liberté d’adhésion.

[3] 51 entretiens semi-directifs ont été réalisés entre 2020 et 2021, dans le cadre d’une thèse de doctorat, auprès d’acteurs mutualistes, le plus souvent avec des membres de la direction ou d’élus (à l’assemblée générale ou au conseil d’administration).

[4] L’UNOCAM réunit la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), la Fédération française de l’assurance (FFA), le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), le Régime local d’assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de la Moselle, ainsi que la Fédération nationale indépendante des mutuelles (FNIM).

[5] Les éléments présentés sur les réseaux de soins vont être publiés dans un article scientifique à paraître dans la revue Économie appliquée.