Récit écologique et conditions de vie
Face à l’urgence climatique, des actions immédiates sont nécessaires. Dans une économie comme la nôtre, tournée vers – et tirée par – la consommation, les pratiques quotidiennes des Français sont au cœur des politiques de transition. Mais comment amener les Français à adopter des pratiques vertueuses à l’égard de l’environnement ?

« Il faut un récit qui embarque […]. », aurait lancé au président de la République et ses conseillers, selon une information du Monde[1], un des invités au déjeuner confidentiel à l’Elysée auquel étaient conviés au mois de mai dernier une poignée de chercheurs en sciences sociales.
L’idée que la solution passe par un récit mobilisateur repose sur une hypothèse forte : pour changer les pratiques des Français, il faudrait agir sur leurs représentations. Cependant, cette hypothèse se heurte à la réalité, car plus de trois Français sur quatre considèrent déjà le changement climatique comme une urgence[2] et 96% considèrent que la protection de l’environnement constitue un problème majeur[3]. Si ces moyennes cachent des divergences, la conclusion est sans équivoque : sur le terrain des représentations, la marge d’action est bien étroite.
La prétendue puissance émancipatrice du récit est également confrontée au fait que les opinions sur les problématiques environnementales sont profondément enracinées dans des habitudes, des préférences et des contraintes existantes. L’encastrement des modes de vie et des manières de consommer dans des logiques sociales et matérielles puissantes et inégalitaires est tel que l’écart entre pratiques et opinions ne peut se réduire par la simple force du récit.
Dans ce qui suit, nous proposons un aperçu[4] de la manière dont les pratiques quotidiennes des ménages en matière d’environnement, regroupées en quatre domaines – alimentation, équipements domestiques, tri et écogestes, transport –, s’inscrivent dans les fractures sociales, économiques, culturelles et territoriales de la société française. Ces prat