Éducation

La pédagogie Montessori œuvre-t-elle à l’émancipation des enfants ?

Chercheur en sciences de l'éducation

Le succès récent de la pédagogie Montessori invite à se questionner sur le caractère d’émancipation dont elle se déclare porteuse. Pour cela, il faut en revenir à ses principes fondateurs et notamment à l’idée que le métier d’élève serait comme lié à la nature profonde de l’enfant.

La pédagogie Montessori connaît un certain succès dans le monde social contemporain. Il y a de plus en plus d’écoles privées Montessori. Dans l’école publique, en particulier maternelle, un nombre conséquent et croissant d’enseignants se sont inspirés de cette pédagogie depuis la décennie 2010.

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Du côté de la socialisation familiale, on constate aussi une certaine empreinte du montessorisme. Elle est présente chez les parents qui se retrouvent dans les valeurs éducatives des écoles Montessori et y orientent leur enfant ; mais les plus engagés d’entre eux peuvent aussi adopter des pratiques éducatives familiales inspirées de la pédagogie Montessori. Il existe ainsi sur le marché une dizaine de manuels éducatifs à l’usage des parents proposant une éducation familiale « montessorienne ». La culture matérielle enfantine n’est pas en reste : « Montessori » fait vendre, et est évoquée, avec plus ou moins d’à-propos (la « marque » n’étant pas déposée) sur toute une série de jeux, activités, cahiers, pour enfants.

Depuis plusieurs années, nous travaillons à identifier ce qui se joue dans cet engouement pour « Montessori » et ce que charrie cette figure de l’enfant « montessorien ». Quelles sont ses qualités ? Que vise une relation éducative « montessorienne », et quelles formes prend-t-elle ? Que dit le montessorisme de notre société contemporaine et de ses attendus du côté de l’enfant ? Nous souhaitons ici mettre en chantier ces questions en partant du concept d’émancipation. En effet, dans bien des discours pro-Montessori, cette pédagogie est reliée à cette notion. Le montessorisme permettrait au fond de libérer l’enfant.

Ainsi, Céline Alvarez, qui a proposé une méthode pédagogique assez largement inspirée des pratiques Montessori (mêlée à certaines reprises de thématiques neuroscientifiques), qui a eu un large écho médiatique, défend l’idée que son approche rendrait les enfants plus libres que la pédagogie ordinaire : « Nous rendons [les enfants] dociles et soum


[1] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’enfant, Les arènes, p. 11-12, 2016.

[2] Nous pensons en particulier au travail quotidien de certains enseignants qui s’inspirent du montessorisme sans pour autant embrasser les logiques de déprises éducatives évoquées ci-après.

[3] Ghislain Leroy, Sociologie des pédagogies alternatives, La découverte, 2022.

[4] Maria Montessori, L’enfant, Gonthier, p. 100, 1968

[5] Polk Lillard, P. et Lillard Jessen, L., Montessori de 0 à 3 ans. Programme complet pour élever des enfants confiants et autonomes dès la naissance, Marabout, p. 69, 2017/2003.

[6] Ghislain Leroy, L’école maternelle de la performance enfantine, Peter Lang, 2020.

[7] Des enquêtes quantitatives psychologiques soulignent parfois le fait que le montessorisme pourrait amener des plus-values sur certains types d’apprentissages. Nous pensons en particulier à la méta analyse : Alison Demangeon et al., « A meta-analysis of the effects of Montessori education on five fields of development and learning in preschool and school-age children », Contemporary Educational Psychology, Volume 73, 2023.
Pourtant, ce type de travaux ne maîtrisent pas le paramètre de l’origine sociale, qui constitue donc un angle mort important. Il n’y a pas actuellement de travaux quantitatif permettant de cibler tout particulièrement le profit ou non du montessorisme pour les populations populaires, d’où, pensons-nous l’intérêt de recherches qualitatives comme nous les menons, complémentaires à ce type d’analyses. Voir sur ce point : Ghislain Leroy, « « Ateliers » et activités montessoriennes à l’école maternelle : quel profit pour les plus faibles ? », Revue française de pédagogie, vol. 207, no. 2, 2020, pp. 119-131.

Ghislain Leroy

Chercheur en sciences de l'éducation, Maître de conférences à l'université Rennes 2

Notes

[1] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’enfant, Les arènes, p. 11-12, 2016.

[2] Nous pensons en particulier au travail quotidien de certains enseignants qui s’inspirent du montessorisme sans pour autant embrasser les logiques de déprises éducatives évoquées ci-après.

[3] Ghislain Leroy, Sociologie des pédagogies alternatives, La découverte, 2022.

[4] Maria Montessori, L’enfant, Gonthier, p. 100, 1968

[5] Polk Lillard, P. et Lillard Jessen, L., Montessori de 0 à 3 ans. Programme complet pour élever des enfants confiants et autonomes dès la naissance, Marabout, p. 69, 2017/2003.

[6] Ghislain Leroy, L’école maternelle de la performance enfantine, Peter Lang, 2020.

[7] Des enquêtes quantitatives psychologiques soulignent parfois le fait que le montessorisme pourrait amener des plus-values sur certains types d’apprentissages. Nous pensons en particulier à la méta analyse : Alison Demangeon et al., « A meta-analysis of the effects of Montessori education on five fields of development and learning in preschool and school-age children », Contemporary Educational Psychology, Volume 73, 2023.
Pourtant, ce type de travaux ne maîtrisent pas le paramètre de l’origine sociale, qui constitue donc un angle mort important. Il n’y a pas actuellement de travaux quantitatif permettant de cibler tout particulièrement le profit ou non du montessorisme pour les populations populaires, d’où, pensons-nous l’intérêt de recherches qualitatives comme nous les menons, complémentaires à ce type d’analyses. Voir sur ce point : Ghislain Leroy, « « Ateliers » et activités montessoriennes à l’école maternelle : quel profit pour les plus faibles ? », Revue française de pédagogie, vol. 207, no. 2, 2020, pp. 119-131.