éducation

Pour un questionnement critique des pédagogies de la nature

Chercheur en sciences de l'éducation

Plusieurs écoles mettent en œuvre des pratiques pédagogiques en extérieur destinées à sensibiliser les enfants à la protection de la nature. Bien que louables dans leur principe, ces pratiques risquent de transmettre une vision d’une nature enchantée qui n’existe plus, voire d’accroître certaines inégalités sociales d’apprentissage.

De la chute spectaculaire de la biodiversité (jusqu’aux insectes), à la multiplication des évènements climatiques extrêmes (canicules, tempêtes, etc.), en passant par la pollution chimique des eaux par les PFAS, la montée des océans, la diffusion partout sur Terre des microplastiques, le dérèglement climatique, et de nombreux autres phénomènes, la dégradation environnementale généralisée est indéniable et inquiète dramatiquement, à juste titre, les plus au fait de ces questions. En miroir, les réponses politiques apparaissent particulièrement indigentes, et très loin d’être à la hauteur des enjeux. Les scientifiques sortent de plus en plus de leur laboratoire pour dénoncer ces évolutions[1] et les mettre au cœur des récits contemporains, ce qui est rarement fait dans de très nombreux médias.

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Dans ce contexte, pourquoi diable ne pas applaudir à deux mains des nouvelles tendances éducatives et pédagogiques ? Notre propos n’est bien sûr pas de nier tout intérêt à ces nouvelles pratiques, mais plutôt de proposer quelques perspectives, notamment critiques, pour éclairer le jugement de chacun et éviter une adhésion un peu trop rapide et dogmatique. Osons introduire un peu de doute au sein des concerts de louanges un peu trop unifiés et monocorde sur ces pratiques. Nous identifions ainsi plusieurs « risques » intellectuels et sociaux autour de ces nouvelles tendances éducatives, ce qui ne signifie pas qu’ils soient à l’œuvre dans toute pratique « éco-pédagogique ».

Nous proposons donc ici de mettre en œuvre quelques perspectives critiques autour du développement des pédagogies de la nature. Les vocables employés, structures ou dispositifs ici concernés sont nombreux : pédagogie de, ou par, la nature, valorisation du « dehors », cour de récréation « végétalisées », forest schools, beach schools, etc. Cet engouement autour de la « nature » touche toutes les institutions éducatives : crèches, écoles maternelles, écoles primaires, enseignement secondaire, etc. Ce typ


[1]    Scientifiques en rébellion, 2024, Sortir des labos pour défendre le vivant, Paris, Seuil.

[2]    Leroy, G. (2022), Sociologie des pédagogies alternatives, Paris, La découverte.

[3]    Voir par exemple : La Fête de la Nature 2025 – Ville de Paris.

[4]    Même si nous pourrions faire également l’histoire des liens entre école, ou crèches, et « extérieur », en mobilisant de nombreuses références en sciences de l’éducation.

[5]    Voir le numéro collectif « Le succès contemporain de Montessori : quels enjeux sociaux pour l’enfance ? », Sciences de l’éducation. Pour l’ère nouvelle, vol. 55, n° 1. Le succès contemporain de Montessori : quels enjeux sociaux pour l’enfance ? | Cairn.info

[6]    Rosa, H. (2018), Résonance. Une sociologie de la relation au monde, Paris, La découverte.

[7]    Coulangeon, P, Demoli, Y., Ginsburger, M., Petev, I. (2023), La conversion écologique des Français, Paris, PUF.

[8]    Haraway, D.J. (2020), Vivre avec le trouble, Vaulx-en-Velin, Les éditions des mondes à faire.

[9]    Leroy, G. et Le Corre C. (à paraître), « Les objectifs plus ou moins politiques des pédagogies de la nature », Emulations. Revue de sciences sociales.

[10]   Blanc, G. (2020), L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’éden africain, Paris, Flammarion.

[11]   Deldrève, V. (2015), Pour une sociologie des inégalités environnementales, Bruxelles, Peter Lang.

[12]   Op. cit.

[13]   Lordon F. (2021), « Pleurnicher le vivant », Les blogs du « Monde Diplomatique », La pompe à phynance.

[14]   Comby, J.B. (2015), La Question climatique. Genèse et dépolitisation d’un problème public, Paris, Raisons d’Agir.

[15]   Visible par exemple dans l’évolution de la politique de l’éducation prioritaire depuis une quarantaine d’années, privilégiant de plus en plus une logique d’identification des « mérites » individuels.

[16]     Wynes S., Nicholas K. A. (2017), « The climate mitigation gap: Education and government recommendations miss the most effective indivi

Ghislain Leroy

Chercheur en sciences de l'éducation, Maître de conférences à l'université Rennes 2

Notes

[1]    Scientifiques en rébellion, 2024, Sortir des labos pour défendre le vivant, Paris, Seuil.

[2]    Leroy, G. (2022), Sociologie des pédagogies alternatives, Paris, La découverte.

[3]    Voir par exemple : La Fête de la Nature 2025 – Ville de Paris.

[4]    Même si nous pourrions faire également l’histoire des liens entre école, ou crèches, et « extérieur », en mobilisant de nombreuses références en sciences de l’éducation.

[5]    Voir le numéro collectif « Le succès contemporain de Montessori : quels enjeux sociaux pour l’enfance ? », Sciences de l’éducation. Pour l’ère nouvelle, vol. 55, n° 1. Le succès contemporain de Montessori : quels enjeux sociaux pour l’enfance ? | Cairn.info

[6]    Rosa, H. (2018), Résonance. Une sociologie de la relation au monde, Paris, La découverte.

[7]    Coulangeon, P, Demoli, Y., Ginsburger, M., Petev, I. (2023), La conversion écologique des Français, Paris, PUF.

[8]    Haraway, D.J. (2020), Vivre avec le trouble, Vaulx-en-Velin, Les éditions des mondes à faire.

[9]    Leroy, G. et Le Corre C. (à paraître), « Les objectifs plus ou moins politiques des pédagogies de la nature », Emulations. Revue de sciences sociales.

[10]   Blanc, G. (2020), L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’éden africain, Paris, Flammarion.

[11]   Deldrève, V. (2015), Pour une sociologie des inégalités environnementales, Bruxelles, Peter Lang.

[12]   Op. cit.

[13]   Lordon F. (2021), « Pleurnicher le vivant », Les blogs du « Monde Diplomatique », La pompe à phynance.

[14]   Comby, J.B. (2015), La Question climatique. Genèse et dépolitisation d’un problème public, Paris, Raisons d’Agir.

[15]   Visible par exemple dans l’évolution de la politique de l’éducation prioritaire depuis une quarantaine d’années, privilégiant de plus en plus une logique d’identification des « mérites » individuels.

[16]     Wynes S., Nicholas K. A. (2017), « The climate mitigation gap: Education and government recommendations miss the most effective indivi