Ouvrir l’ENA aux militants (1983-1986)
En janvier 2022, l’Institut national du service public a ouvert ses portes. Dédié à la formation des hauts fonctionnaires français, cet établissement succède à l’ENA qui fut longtemps considérée comme le lieu de formation incontournable des responsables administratifs du pays. Créée en 1945, l’ENA incarnait l’idéal de modernité, d’excellence et de loyauté réclamé aux hauts fonctionnaires français au sortir de la seconde guerre mondiale. Cependant, à compter de la fin des années 1960, elle devint également l’un des symboles de l’endogamie sociale des élites.

De nombreuses critiques, internes ou externes à l’institution, appelèrent à réformer son recrutement afin de perpétuer l’esprit d’ouverture démocratique qui avait présidé à sa création. Ses fondateurs souhaitaient en effet qu’elle forme des serviteurs de l’État issus d’horizons sociaux et géographiques divers. Toutefois, malgré plusieurs tentatives, l’ENA ne réussit jamais à s’ouvrir à l’ensemble des composantes sociales de la nation. Pis, les progrès enregistrés dans certains domaines, notamment en matière de représentation des femmes (40% des hauts fonctionnaires en 2020), confirmèrent la centralité des classes supérieures dans ses effectifs[1].
Pour mieux comprendre la difficulté à transformer cette institution prestigieuse, cet article revient sur un projet d’ouverture sociale mis en œuvre sous le premier mandat de François Mitterrand : la Troisième voie d’accès à l’ENA (1983-1986). Celle-ci proposait un concours d’entrée spécifique « aux élus politiques, associatifs et syndicaux[2] » afin de mettre « leur compétence et leur dévouement au service de l’intérêt général ». Si elle ne connut que quatre sessions et 29 énarques au total, la Troisième voie n’en fournit pas moins un cas d’étude exemplaire des tensions qui parcourent les dispositifs d’ouverture sociale des élites, tensions toujours présentes aujourd’hui.
Des militants au sommet de l’Administration
À l’été 1981, sur la demande de François Mit