Éducation

Les groupes de niveaux au collège : vers une ségrégation amicale chez les élèves

Sociologue

Les « groupes de besoin » mis en place par l’Éducation Nationale à la rentrée 2024 vont, de l’avis de la plupart des analystes, aggraver les inégalités scolaires. Mais ce type de dispositifs a aussi un autre effet : il accroît la ségrégation sociale des amitiés des enfants.

Le 17 juin dernier, l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale a rendu un premier rapport d’évaluation des « groupes de besoin » mis en place au collège à la rentrée 2024. Lancés par Gabriel Attal lorsqu’il était ministre de l’Éducation Nationale sous le nom de « groupes de niveaux », puis requalifiés en groupes de « besoins » par sa successeure Nicole Belloubet, ceux-ci consistent à séparer les élèves de 6e et 5e en plusieurs groupes pour leurs cours de français et de mathématiques, sur la base de leurs résultats à l’entrée au collège.

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Le rapport, pourtant issu des services mêmes du Ministère, est sévère pour le dispositif. Il pointe une quasi-absence de mobilité entre groupes au cours de l’année, c’est-à-dire que les enfants initialement placés dans les groupes inférieurs n’en sortent presque jamais. En outre, si quelques établissements ont profité du dispositif pour essayer de nouvelles pratiques pédagogiques (par exemple en conservant des classes hétérogènes mais en y plaçant un second enseignant pour aider les élèves en difficulté), l’attitude la plus fréquente chez les équipes encadrantes a été un simple abaissement des attentes envers les groupes en difficulté. Conséquence, un risque majeur de décrochage de ces élèves par rapport à ceux des groupes avancés.

C’est peu dire que cette évaluation ne constitue pas une surprise. La littérature scientifique française comme internationale est très claire sur le sujet des groupes de niveaux, et ce depuis plusieurs décennies déjà (par exemple, en France, un article de référence en pointait déjà les « effets pervers » il y a plus de 25 ans). Ce n’est certes pas la première fois que des décisions gouvernementales ignorent le consensus scientifique à des fins d’affichage médiatique, mais l’initiative de Gabriel Attal constitue en cela ce qu’il faut bien appeler un cas d’école, tant les effets de cette mesure étaient attendus et les alertes des professionnels nombreuses.

Rassembler les élèves en difficulté da


Timothée Chabot

Sociologue, Maître de conférence en sociologie à l’université Toulouse Jean Jaurès.