Analyse

Alors que le besoin actuel de connaissances scientifiques sur le racisme à l’université fait à peu près l’unanimité, la polémique récente autour du sondage d’opinion Ifop/Cevipof sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, commandité par le ministère, interroge sur le sens et les usages de la connaissance attendue.

Il ne s’agit pas ici de revenir sur les innombrables problèmes méthodologiques de cet édifiant sondage – même s’il est difficile de s’en abstraire complètement, tant cela est central et révélateur d’une certaine politique de l’enquête sur ces phénomènes. Les biais de méthode ont été bien pointés notamment par Nonna Mayer et Vincent Tiberj dans ces mêmes colonnes ou encore par Abdelkrim Bouhout sur son blog.

Il s’agit en revanche de revenir sur le sens de ce sondage et de sa commande par le ministère, à travers une mise en regard avec l’expérience d’une autre enquête portant sur les discriminations et traitements inégalitaires vécus dans les universités françaises : la recherche Acadiscri. En comparant les conditions de leur élaboration et de leur traitement politique, du point de vue de notre expérience d’équipe porteuse d’Acadiscri, nous voulons interroger la stratégie politique sous-jacente, concernant la reconnaissance et le traitement des questions de racisme à l’université.

Deux enquêtes : deux cadrages et deux méthodes

Bien qu’ils portent une même interrogation – savoir ce qu’il en est du racisme à l’université – ces deux projets d’enquête sont fort différents. Ils traduisent deux positions au regard d’enjeux de cadrage, de nomination et de mesure des problèmes sociaux.

Le sondage Ifop/Cevipof est focalisé, selon son intitulé, sur le seul antisémitisme – il y a lieu de se demander pourquoi. Il aborde l’objet en privilégiant une quantification de l’opinion des individus appelés à répondre principalement à des idées générales sur « l’antisémitisme » (jamais défini), « les Juifs », « la Shoah », « l’État d’Israël »… Principalement, car