Les secrets verrouillés d’Aki Shimazaki
Aki Shimazaki est née au Japon en 1954. Elle a d’abord construit sa vie là-bas, apparemment comme institutrice et prof d’anglais, avant d’émigrer au Canada dans les années quatre-vingt, d’abord à Vancouver, ensuite à Toronto, pour enfin s’installer à Montréal en 1991. Et puis, elle s’est mise à écrire. En français.
Si les courts romans qu’elle publie avec régularité sont désormais attendus à travers le monde par un cercle de lecteurs transis d’admiration, c’est sans doute que ses textes délicats sont sans équivalent dans la littérature d’expression française. Shimazaki a développé une technique narrative très personnelle, en travaillant avec subtilité sur une ligne de crête entre sa langue maternelle et sa langue d’écriture, construisant un français qui lui est propre, qui semble parfois être une traduction du japonais ou plutôt une reconstruction du japonais à l’intérieur du français, comme si la langue d’origine colorait la phrase de la romancière, qui en outre évolue dans une magnifique économie de mots, une écriture où le silence est élevé au rang d’art majeur.
Dès son premier roman, Tsubaki, paru en 1999 chez Lémeac/Actes sud, comme toute son œuvre par la suite, Aki Shimazaki a joué avec son multilinguisme. Tous les titres de ses livres sont toujours constitués d’un – et d’un seul – mot japonais : Tsubaki, Hamaguri, Tsubame, Wasurenagusa, Hotaru, Mitsuba, Zakuro, Tonbo, Tsukushi, Yamabuki, Azami, Hôzuki, Suisen, et enfin aujourd’hui Fuki-no-tô. De ce fait-là, non seulement chaque titre a une sonorité exotique pour un lecteur de langue française, mais celui-ci est placé de fait devant un terme dont il ignore la signification, comme si chaque roman débutait sur un secret soigneusement verrouillé. Ce n’est pas un hasard. Toujours, quelque chose nous échappe chez Shimazaki.
La romancière fait partie de la grande famille de ceux qu’on a pu appeler les écrivains de l’exil, dont le français n’est pas la langue maternelle mais, au gré de circonstances de leu