Les Idoles à la première personne de Christophe Honoré

Journaliste

Christophe Honoré crée au Théâtre Vidy-Lausanne Les Idoles, réactivation stimulante de la pensée et de la vie de six hommes, tous artistes et homosexuels, morts du sida. Des scènes d’une intensité rare, des conversations importantes, parfois houleuses, parfois potaches, au sein d’une bande imaginée de toute pièce par le metteur en scène qui interroge le statut de ces idoles : « pourquoi c’est eux » ? « À qui avons nous fait la place ? »

Quelques mois après la sortie de son film – Plaire, aimer et courir vite – présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, et une année après la publication de Ton père, autofiction publiée au Mercure de France, Christophe Honoré crée Les Idoles. Ce spectacle répété et né au Théâtre Vidy-Lausanne, en Suisse – et qui sera suivi d’une longue tournée en France – constitue pour Honoré le troisième acte de création consécutif aux réactions homophobes suscitées lors du vote de la loi sur le mariage pour tous. Mais plutôt qu’un drame sentimental fictionnel (Plaire, aimer et courir vite) ou qu’un autoportrait romancé propice à l’introspection (Ton père), Les Idoles se déploie entre hommage intime à des morts et réactivation de leur carrière et personnalité fulgurantes.

Au plateau, six comédiens, quatre hommes et deux femmes, interprètent six hommes français, tous homosexuels (ou bi) et morts du sida entre 1989 et 1995 entre l’âge de 35 et 59 : Jean-Luc Lagarce (Julien Honoré), Hervé Guibert (Marina Foïs), Bernard-Marie Koltès (Youssouf Abi-Ayad), Serge Daney (Jean-Charles Clichet), Jacques Demy (Marlène Saldana) et Cyril Collard (Harrison Arevalo). Qu’ils soient auteurs dramatiques (Lagarce, Koltès), écrivain (Guibert), cinéaste (Demy), journaliste et critique de cinéma (Daney) ou tout cela à la fois (Collard, également réalisateur, acteur et musicien), ces artistes ont constitué dans les années 90 pour le jeune Christophe Honoré des repères, des figures, des modèles.

Dans une scénographie dominée par une peinture bleue douce et décatie et s’amusant à juxtaposer divers espaces urbains – couloirs de métro, abribus – tandis que le centre du plateau demeure plus indéfini – sommes-nous dans un parking souterrain ou autre lieu de rendez-vous furtif ? – les personnages vont dialoguer. Au fil de quinze séquences – numérotées et intitulées – se dessine leurs personnalités, leurs parcours, leurs productions artistiques, comme leurs manières de parler – ou pas – de la ma


Caroline Châtelet

Journaliste, critique