Pierre Sauvage, la caméra obstinée
Le dernier documentaire achevé de Pierre Sauvage s’ouvre sur une citation d’Albert Camus : « Qui répondrait en ce monde à la terrible obstination du crime, si ce n’est l’obstination du témoignage ? ». Pas sans rien faire : Peter Bergson, les États-Unis et la Shoah fait le portrait de l’homme palestinien et sioniste qui a essayé de secouer l’opinion publique américaine pour pousser Roosevelt à enrayer la destruction des Juifs d’Europe, de 1942 à 1944.
Primé pour ce dernier opus au Festival du film juif de Toronto, le cinéaste a encore deux autres films inédits en France : Nous étions là : des chrétiens face à la Shoah (2018), un film en deux parties comprenant notamment le portrait de quatre justes, extrait du tournage qu’il a fait en France en 1982, et un documentaire sur le groupe de sauvetage américain mené par Varian Fry, prévu pour 2020. Alors qu’il vient de faire l’objet d’une rétrospective au Mémorial de la Shoah à Paris du 3 au 10 juin 2018 et qu’il a été honoré par une rétrospective au Chambon sur Lignon du 15 au 17 juin, il est temps de considérer la somme de documentaires qu’il a réalisés comme une œuvre.
À première vue, ses cinq documentaires passés lors de la rétrospective semblent de format classique : entre 50 et 60 minutes de durée, sauf Les Armes de l’esprit (1982) qui fait un peu plus d’1 heure 30. Ils sont pour la plupart constitués d’un montage élégant de témoignages, souvent issus d’interviews ad hoc et d’images d’archives (extraits d’actualités, dessins, photos, caricatures). Leur déroulé est la plus part du temps historique, et une voix off narre les événements avec clarté tandis qu’un brin de musique bien choisie souligne les images. Et pourtant, très vite l’on comprend que ces films sont bien plus que d’autres documentaires sur la mémoire. Leur angle d’attaque, aussi bien que leur usage des temporalités et du territoire, en font une grande suite originale et courageuse. En effet, tous traduisent la possibilité culturelle de traduir