Raphaël Dallaporta à l’épreuve de la mesure
On sait combien le sens commun, plus encore que la philosophie, associe les cavernes aux images et aux merveilles, et leurs parois à des surfaces de projections, littérales et fantasmatiques. Les grottes ornées de l’ère préhistorique alimentent cette fascination parce qu’elles se présentent comme des énigmes.
Depuis sa découverte en 1994, celle de Chauvet-Pont d’Arc a principalement été visitée par des scientifiques, qui ont éprouvé diverses hypothèses au contact de ses extraordinaires peintures pariétales, empreintes négatives et figures animales, l’une de ces hypothèses attribuant la présence de ces images à quelques pratiques chamaniques mettant en correspondance les mondes terrestre et cosmique. Mais les peintures aurignaciennes, si préservées des regards néophytes, ont aussi été dévoilées à des artistes visuels, cinéastes comme Werner Herzog qui y tourna La Grotte des rêves perdus en 2010, ou photographes comme Raphaël Dallaporta dont les images redéploient les protocoles et les imaginaires de la science.
Chauvet-Pont d’Arc : L’inappropriable (2016), présenté sous la forme d’un ouvrage et d’une installation, cartographie l’espace souterrain de la grotte à travers une série de panoramas photographiques réalisés au cours de trois descentes de deux heures. À partir d’un dispositif emprunté à l’ingénieur et architecte américain Richard Buckminster Fuller (concepteur des dômes géodésiques qui fleurirent dans les grandes métropoles au cours des années 1960), Dallaporta a fixé son appareil à une rotule automatisée, de manière à effectuer des prises de vue à 360 degrés, qui peuvent ensuite être projetées en trois dimensions sur un polygone.
Mais au lieu de reconstituer l’illusion du volume de la grotte, Dallaporta la défait, dépliant chacune des faces du polygone jusqu’à former d’étranges planisphères. À l’attraction des vues immersives, il substitue ainsi un autre rituel de vision qui interroge simultanément la nature et l’expérience des images. La disposi