Un oursin dans le potlatch – à propos de l’expo « Futomomo » et d’un Dictionnaire Georges Bataille
Il n’y a pas d’idée en soi dans un livre, un film, une expo ou quelque objet auquel s’arrête le critique. Ou alors s’il y en a, c’est facile, elle est indiquée noir sur blanc dans le dossier de presse, il suffit de recopier. Mais une idée critique, c’est entre les objets, dans la tête de l’amateur d’art. Un collègue déclarait un jour en direct à la radio : « J’ai eu une idée que j’ai trouvée intéressante à propos de… » La formulation prête à rire mais c’est très exactement la réalité.

S’il y avait des cours de critique dans les écoles de journalisme, on pourrait dire aux étudiants : il faut appliquer une idée à un objet. Vous allez voir une expo, vous avez des impressions, des crépitements de neurones, vous rentrez chez vous, vous ouvrez un essai de philo au hasard et vous tartinez l’idée que vous avez trouvée sur ce que vous avez vu. C’est comme ça que font les curateurs.
Par exemple, il y a vingt ans, on appliquait Le Pli de Deleuze. L’éternité par les astres de Blanqui, il y a dix ans. Aujourd’hui, vous prenez le chthulucène de Donna Haraway, ça marche à toutes les sauces, en vertu de cette remarque de Barthes : la critique ne consiste pas à découvrir un sens caché dans un objet mais au contraire à lui fournir un contexte d’intelligibilité. C’est mieux si l’idée et l’œuvre ont une affinité, mais si vous voulez faire l’intéressant, vous pouvez choisir des éléments sans rapport, théorie surréaliste de l’écart maximal, i.e. bleu comme une orange.
Ainsi, je voudrais chroniquer l’exposition « Futomomo » au CAC Brétigny et les Cahiers Bataille n°4 qui sont un « dictionnaire critique Georges Bataille » mais je n’ai pas assez d’idées sur chaque pour faire un article consistant. Je vais donc frotter l’un contre l’autre pour voir où cela mène.
Concernant Georges Bataille, j’étais un peu réticent à ouvrir ce dictionnaire. Comme si l’on me proposait de déterrer les kleenex dans lesquels je me branlais à l’âge de 20 ans. À la fin de l’adolescence, c’est génial de découvrir M