Le clos et l’ouvert – sur Enclosure de Rachel Rose à Arles
Vu depuis la rive du Rhône qui lui fait face, le chapelet de clochers de l’antique ville d’Arles s’égrène avec une sage harmonie, jusqu’à ce qu’un reflet frappe l’œil : une spirale de verre, suivant sa ligne serpentine, jaillit comme un poisson étincellant hors de l’eau. C’est la tour, signée Frank Gehry, dont le point final est prévu pour l’an prochain. Elle trône et veille sur le parc des anciens ateliers de la SNCF, qui furent longtemps le bassin d’empois principal de la région.
La symbolique est forte : si le salut ne vient plus des cieux vides, ni des caisses publiques, elles aussi de plus en plus vides, il pourrait provenir de ce campanile laïc, qui a poussé dans les ruines du capitalisme industriel. Phare d’un projet pharamineux déployé par la Fondation Luma, il donne un éclat moderne au paysage arlésien, aux côtés des vestiges antiques inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Arles, bourgade de 50 000 habitants, n’en finit pas de surfer sur une vague hype arty : elle est devenue le rendez-vous incontestable de l’image, fière – à raison – de sa position de numéro 1 des festivals de photographie, et accueille une école prestigieuse, une multitude de galeries, des projets audacieux comme la plateforme curatoriale Extramentale, ou encore la magnifique fondation Van Gogh… Suivant les traces de son père, créateur de cette dernière, Maja Hoffman, riche héritière des laboratoires Roche, inscrit le projet Luma dans une dynamique méridionale plus large, où d’aucuns jugent que le Midi deviendrait un vivier artistique équivalent à Los Angeles dans les années 90, quand les artistes quittaient une New-York devenue inabordable – s’alignant avec le tout nouveau MOCO à Montpellier, la Collection Lambert à Avignon, le Carré d’Art à Nîmes…
Enclosure revient dans l’Angleterre agraire du début du XVIIe, sur le processus légal par lequel des terres, autrefois publiques, destinées à un usage commun, se retrouvent clôturées en vue d’un usage privé.
Fondée en 2004 à Z