Théâtre

Outside de Kirill Serebrennikov, ou l’histoire de l’œil à Avignon

Critique

Présenté lors de cette 73e édition du Festival d’Avignon, Outside du metteur en scène et réalisateur Kirill Serebrennikov, toujours interdit de sortie du territoire russe, est un hommage émouvant, poétique et drôle au photographe chinois subversif Ren Hang. Le russe imagine un dialogue qui aurait dû avoir lieu avec l’artiste chinois, qui est mort avant, il s’est suicidé en 2017, à 29 ans, 2 jours avant leur rencontre prévue.

Le spectacle de Kirill Serebrennikov, Outside, s’ouvre comme une fenêtre sur l’extérieur, mais donne sur le monde intérieur de l’artiste tourmenté auquel il rend hommage, Ren Hang. Cet hommage provient d’un « dommage » : celui d’une vie volée dans un dernier rêve d’envol. Le poète et photographe chinois, qui avait insufflé un vent de liberté provocateur dans son pays, se défénestra deux jours avant la rencontre avec le metteur en scène russe.

Quand le public s’installe dans la salle, des poseurs d’affiche en noir collent une reproduction agrandie d’un de ses clichés célèbres, qui représentait déjà la tentation de ce moment de bascule : la photo d’un corps nu, allongé sur le parapet du toit de l’immeuble pékinois qui fut le décor de nombre de ses œuvres. Hang se jeta au seuil de ses trente ans de ce promontoire de ses songes, lui qui n’avait cessé de naviguer entre les gouffres de la dépression et de la solitude, toujours au bord du précipice.

La genèse du spectacle commence alors par une fin. Kirill Serebrennikov était tombé sur les images du photographe à l’occasion de leur sortie dans une monographie chez Taschen. Il demanda à une actrice chinoise de la troupe du Gogol Center, qu’il dirige, de le mettre en relation avec lui, pour lui proposer un projet. Hang accepte avec enthousiasme, mais son suicide, le 24 février 2017, rend la rencontre irrémédiablement virtuelle.

De ce rendez-vous manqué, Serebrennikov imagine un dialogue émouvant, où à la noirceur répond la drôlerie, l’alliance des deux étant souvent commune aux mélancoliques. Le tréteau en mouvement sur scène, bordé par une fenêtre, représente aussi bien le petit appartement pékinois, terrain de jeu privilégié des photographies de Hang, que celui moscovite dans lequel le metteur a été assigné de juillet 2017 jusqu’à avril dernier, suite à un procès relevant plus d’une stratégie d’intimidation que d’une mise en accusation véritable. On se rappelle que Kirill Serebrennikov n’avait pas pu se rendre à Cannes po


Ysé Sorel

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Festival d'Avigon