Art

Huang Yong Ping ou le dernier des artistes heureux

Philologue

Né en 1954 à Xiamen, l’artiste contemporain Huang Yong Ping est mort subitement le 19 octobre à Ivry-sur-Seine, où il vivait et travaillait depuis 1989. Toujours élégant, parfois provocateur, celui qui fut le pionnier de l’avant-garde chinoise n’a eu de cesse d’interroger, au travers de son œuvre, les inquiétudes de l’existence humaine avec humour, profondeur et sensibilité. Hommage d’un ami.

Ces derniers mois, chaque fois que je voyais Huang Yong Ping, nous parlions de ses textes, et nous nous disions que nous allions bientôt nous retrouver. Il était là, avec légèreté, fidélité, discrétion : qui eût cru que cette silhouette qui s’effaçait lors des quelques vernissages où il allait était celle de l’homme qui avait pour ainsi dire fondé, à lui tout seul, l’art contemporain en Chine, qui avait inspiré tant d’artistes dans la voie d’une réinvention permanente de ce que pouvait être un art non gouverné par le commerce, mais par l’esprit, et dans la transmutation des formes ?

À chaque fois, c’était comme si nous ne nous étions jamais quittés, il m’embrassait, avec son sourire, puis son rire, sa bonté de cœur qui transparaissait au moindre de ses regards. Yong Ping était fidèle, le temps n’avait pas de prise sur lui. On pouvait l’avoir vu deux jours auparavant, deux mois auparavant, un an auparavant, quand on était avec lui, quand on était son ami, on l’était pour de bon. Son rire qui était un langage autant que les mots, et peut-être autant que les images : et ce si ce rire était leur secret, à elles toutes ?

En juillet, il m’avait montré un texte qu’il écrivait sur son iPhone pour le Centre Pompidou à Shanghai, où il parlait de Beuys, et un autre, sur Duchamp. Il avait entrepris de me l’expliquer, de me le résumer, du chinois que je ne connais pas à son français gagné, qu’il me transmettait : je comprenais à demi-mot une partie de ce qu’il voulait dire, et j’étais, comme toujours, impressionné. Quand il m’a envoyé le texte – en anglais –, plus encore : Jarry, Duchamp, Yong Ping. La dernière fois, c’était il y a peut-être quinze jours, lors du vernissage de Yan Pei-Ming au Petit Palais. La puissance de la peinture, avec sa propre intelligence, rejoignait l’intelligence, avec ses multiples peintures.

Danseur du non-sens, il créait la signification en chemin.

Yong Ping rejoint maintenant nos amis, les défunts, tous ces heureux qui nous ont quitté, lui dont je


Donatien Grau

Philologue