(Re)voir au temps du confinement

Confino avec Francesco Rosi

Écrivain

Le confinement a pu aussi être l’occasion de se plonger, entièrement, dans l’œuvre d’un artiste et passer quelques jours, confino, en compagnie de Francesco Rosi, de ses vies et de ses films. De Main basse sur la ville à Uomini contro, en passant par Salvatore Giuliano et Le Christ s’est arrêté à Eboli, ses films d’un autre temps donnent à voir une humanité brute, juste, sans emphase et sans justification psychologique. Un cycle d’œuvres qui garde quelque chose d’une énigme entre une intrigue si proche du réel et une part d’anticipation saisissante.

Je ne sais pas très bien ni dans quoi nous sommes embarqués ni pour combien de temps. On fait avec les moyens du bord. Et finalement on trouve des ressources. La preuve. Histoire de rester en Italie, en pensée et un peu plus qu’en pensée, en sentiment, l’idée m’a effleuré d’une petite balade chez Francesco Rosi. Elle serait comme le prélude au voyage dont je rêve – invraisemblablement – pour cet été. J’avais revu, l’an passé, Cadavres exquis qui n’a pas vieilli, ou si peu. Du coup, j’ai eu l’intuition plus ou moins claire que Le Christ s’est arrêté à Eboli serait de circonstance puisqu’il raconte l’histoire d’un confinement. Et je ne refuserais pas l’occasion d’élar­gir mon éventail en revoyant Main basse sur la ville et Uomini contro qui brillaient dans mon sou­venir comme des étoiles assez lointaines.

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Salvatore Giuliano, je ne l’avais jamais vu, ce serait donc le mo­ment ou jamais. Internet a du bon. Quant à L’Affaire Mattei, j’ai vite compris que ce serait une autre histoire. Le film est introuvable. Il y a d’obscures rai­sons à cette disparition et elles ne font que redoubler le mystère.

Cadavres exquis emprunte à un bref roman de Leonardo Sciascia, Il contesto (qu’on pourra lire en PDF si la situation s’éternise). Film policier, thriller, il est également un film politique, voire onto­logique qui commence par une séquence dans les cata­combes des Capucins, à Palerme, où un vieux procureur converse avec les mo­mies avant d’être as­sassiné dès son retour à la lumière ; et qui s’achève par un rendez-vous fatal entre l’enquê­teur de police Lino Ventura (la magie de recon­naître la même voix en italien) et un dirigeant du par­ti communiste italien, dans le musée archéolo­gique de Naples, sous le regard sibyllin des statues an­tiques. On a pu lui reprocher une certaine complexi­té mais, après tout, elle stimule l’intelligence et elle n’est qu’un reflet de la complexité d’une situa­tion historique, d’une société infiltrée par les services secrets et la loge


[1] « Les Figures de Lorenzetti – à propos de Conjurer la peur de Patrick Boucheron », AOC, 30 mars 2020.

Bernard Chambaz

Écrivain, Poète

Rayonnages

Cinéma Culture

Notes

[1] « Les Figures de Lorenzetti – à propos de Conjurer la peur de Patrick Boucheron », AOC, 30 mars 2020.