(Re)lire au temps du confinement

Les Figures de Lorenzetti – à propos de Conjurer la peur de Patrick Boucheron

Écrivain

En 1338, Ambrogio Lorenzetti peignait sur les murs de la salle de Paix du Palais public de Sienne ses fresques du Bon et du Mauvais gouvernement. En 1348, son frère et lui mouraient tous deux, victimes de la Peste noire. Patrick Boucheron nous entraîne sur les traverses de cette décennie dans son bel ouvrage Conjurer la peur, qui a le mérite de nous laisser vaquer à nos rythmes dans les images et souvenirs qu’il convoque, pour nous faire, nous aussi, relire le présent à l’aune du passé.

Je n’ai pas peur. C’est même plutôt le contraire. Il y a peut-être dans l’horizon d’une mort com­mune un noyau qui la rend moins scandaleuse et désolante que la mort in­dividuelle. En même temps, j’éprouve une envie furieuse de retourner en Italie qui reste vaille que vaille le pays de mes premiers émerveillements. Ces deux sentiments mêlés m’ont donné l’idée de re­prendre dans ma bi­bliothèque le livre de Patrick Boucheron, pour son titre, Conjurer la peur.

publicité

Une étrange confusion m’est alors apparue. À ce « Sienne 1338 » qui en est le sous-titre, j’avais ajouté ingénument un Sienne 1348. À priori, ça change tout. À la réflexion, pas forcément. Bien sûr, la peste noire n’avait pas encore touché la ville déjà célèbre par sa place en forme de conque et par la fresque de Guidoriccio da Fogliano caracolant sous l’azur entre les ocres de deux collines for­tifiées. Au dos du livre, les pre­miers mots (« D’où viendra le dan­ger ? ») ne ren­voient pas à une inquié­tude sa­nitaire et l’urgence suggérée paraît d’un autre ordre. Qu’elle ait pour nom et pour pers­pective « le mauvais gouvernement » la si­tue sur le plan politique. Cependant, s’il s’agit de voir ou d’aper­cevoir ce qui hante notre moderni­té, c’est à dire notre polis, il faut convenir que le monde est désor­mais confronté au principe des pandé­mies.

Le 16 mars, le confinement a donc été enfin décidé, sans que d’ailleurs le mot ne soit prononcé par le président. Il était temps. J’en ai profité pour aller voir dans les dictionnaires de quoi il retournait. On l’emploie de­puis le XVe siècle dans le sens d’un enfermement voire d’un emprisonnement, ce qui n’est pas faux. Même s’il est vrai que les livres et les images nous permettent peu ou prou de nous échapper. Le plus joli, je trouve, tient à la fin de l’article ; en biologie : maintien d’un être vi­vant (animal ou plante) dans un espace restreint et clos. C’est à peu près ça. Et, par un hasard pro­metteur, j’ai observé que dans le ca­lendrier républi­ca


Bernard Chambaz

Écrivain, Poète

Rayonnages

LivresLittérature