La folie des miracles littéraires – sur Un papillon, un scarabée, une rose d’Aimee Bender
« Mais la ferveur de notre admiration avec la charge de sainteté qui pesait sur la chaîne serrant ses poignets firent cette chaîne se transformer sous nos yeux à peine surpris, en une guirlande de roses blanches. […] J’avançai de deux pas, le corps penché en avant, les ciseaux à la main, et je coupai la plus belle rose qui pendait à une tige souple, tout près de son poignet gauche. La tête de la rose tomba sur mon pied nu et roula sur le dallage parmi les boucles de cheveux coupés et sales. »
S’il est impossible d’oublier la sublime transmutation qui ouvre le Miracle de la rose (L’Arbalète, 1946) de Jean Genet et qui change les menottes du bel Harcamone en roses blanches, la proclamation du narrateur, qui suit cette description, est plus fabuleuse encore : « Rien ne m’empêchera, ni l’attention aigüe ni le désir d’être exact, d’écrire des mots qui chantent. […] Mais que l’on ne parle pas d’invraisemblance en prétendant que j’ai tiré cette phrase d’un arrangement de mots. »
Les miracles littéraires sont des miracles véritables, et ne sont pas moins vrais de ne se rendre visibles que dans les textes ; c’est à ce constat renouvelé qu’invite à son tour Un papillon, un scarabée, une rose. Le monde d’Aimee Bender est en effet un lieu dans lequel on s’enroule dans une couverture pour ne pas voler en éclats, dans lequel les visages se ferment parfois « comme une anémone qu’un doigt serait venu toucher ». Et bien sûr, s’y croisent des papillons décoratifs qui viennent se poser dans les verres d’eau, des scarabées dessinés qui se laissent soudainement prendre dans la main, et des roses de motif sur les rideaux qui finissent par tomber au sol.
Mais cette écriture audacieuse n’est pas délirante pour autant. Bien au contraire : elle déborde et sature d’une sensualité qui l’ancre solidement dans le monde et dans le réel. Solidaire de son personnage à la rationalité parfois fuyante, elle lui résiste pourtant. Dans ce texte, les couleurs sont ainsi tapageuses, les odeurs