Le bel été – sur Le dernier été en ville de Gianfranco Calligarich
Qu’est-ce qui date un livre ? Quel lien existe-t-il entre l’époque où il a été écrit, et dont parfois il témoigne malgré lui, et le temps de sa lecture, qui en conditionne forcément l’analyse ?
Ces questions peuvent sembler d’une grande banalité, mais on se les pose forcément, dans cette espèce de saisie sans recul du présent à laquelle nous expose, d’une certaine façon, le statut de « critique littéraire ». Et elles se posent de façon particulière pour un livre qui nous arrive en 2021 comme une nouveauté, mais qui a été écrit au début des années soixante-dix : Le dernier été en ville de Gianfranco Calligarich. Traduit pour la première fois en français, après le succès de sa seconde réédition en Italie en 2016, ce « premier roman » très singulier d’un auteur né en 1947, par ailleurs scénariste, avait semble-t-il un statut (un peu) culte : une aura de livre rare, en tout cas, connu d’une petite communauté d’admirateurs, préservé par les happy few comme une sorte de secret précieux, presque protégé.

Offert à tous, Le dernier été en ville ne perd rien de sa beauté spéciale, dont on aurait envie de dire qu’elle symbolise assez bien une certaine esthétique italienne d’une époque révolue, presque inévitablement associée aux images des films que nous avons tant aimés… Cliché ? Peut-être, mais il est difficile de résister à une formule qui apparierait élégance antonionienne et verve désabusée à la Risi, pour dire la difficulté de croire encore en quelque avenir… au-delà de l’été.
Qu’on en juge d’après l’intrigue, qui d’ailleurs en est à peine une : Leo Gazzarra, tout juste trente ans, a quitté sa famille installée à Milan pour travailler à Rome, il boit beaucoup, lit Proust et Lowry, fait à peine le journaliste, a peu d’argent et des amis plus riches que lui, perd son emploi, rencontre surtout une jeune femme étonnante, Arianna, avec laquelle se tisse une histoire d’amour dont le propre est de ne jamais peser, belle de ses pointillés mêmes, travaillée par la crain