Dans le couloir de la mort – sur anéantir de Michel Houellebecq
Le huitième roman de Michel Houellebecq est pour commencer un objet lourd, volumineux. Fabriqué pour durer comme le texte lui-même, se dit-on avec dans une réminiscence approximative du principe des vases communicants. Une sorte de galet sartrien qui est là indubitablement sur notre bureau, avec son signet en tissu qui pendouille comme une petite langue rouge qui n’attendrait que son ablation.
Imprimé en Italie, le volume est broché ; ce qui devrait lui permettre d’échapper à l’obsolescence programmée de nos bouquins reliés à la colle, la brochure ayant fait ses preuves depuis maintenant trois ou quatre siècles. Quant au papier, on raconte qu’il a été sélectionné par l’auteur lui-même (on songe alors à la vieille pub raciste pour le café El Gringo, où un Américain humait les grains de café non torréfiés sous l’œil craintif de paysans colombiens efflanqués) parce qu’il ne jaunit pas. Nous verrons à l’usage.

Mais Houellebecq a réussi un coup de force contre l’usage justement, en imposant que ne figure aucune majuscule sur la couverture et la page de garde du livre, ni au titre, ni à son nom tout comme à celui de son éditeur (qui n’a quand même pas hésité à la récupérer sur le bandeau). Pour consigne de design, Houellebecq aurait donné en exemple la sobriété assez exemplaire du « double blanc » des Beatles. Comme tous les enfants du rock (il prouve encore une fois dans ce roman qu’il en est un, en consacrant des lignes inspirées à la chanson Orléans de David Crosby, une interprétation du si français, en ses phonèmes mêmes, Carillon de Vendôme).
anéantir est pour Houellebecq le livre d’un certain nombre de « premières fois » à la fois matérielles et esthétiques ; ce qui en fait, de ce point de vue, un livre de jeune homme.
Houellebecq a toujours été sensible à l’emballage. On peut même dire qu’il est le seul écrivain à avoir réfléchi et écrit sur le sujet, depuis la fameuse barquette de surgelés de Monoprix jusqu’à cette norme abusive, mais à laquelle le monde