Andréa-Duras – sur Vous ne désirez que moi de Claire Simon
À l’automne 1999, le dernier compagnon de Marguerite Duras, Yann Andréa, publie le récit des 16 années tumultueuses qu’il a vécues au plus près de l’écrivaine-cinéaste : deux ans et demi après sa disparition, Cet amour-là est un livre à trois voix (je, vous, elle) qui répond à la créatrice en faisant le contrechamp et la contreparole de ses livres et de ses films à elle – pour certains inspirés de leur histoire.
Abstracteur de quintessence et ventriloque surdoué, Yann Andréa regroupe et restitue en 230 pages thèmes et figures principaux de l’œuvre – mêlés à sa vie à lui. Ce faisant, il prend la conduite du récit, rééquilibre les forces entre elle et lui, le lecteur et l’auteure, la personne écrite et la personne qui écrit, l’objet et le sujet, le mâle et la femelle, le dominant et le dominé[1]…

Quelques semaines plus tard, à l’occasion d’une rétrospective des films de Marguerite Duras à Rennes[2], il est invité à la projection d’Agatha ou les lectures illimitées : de ce film il est l’inspirateur et le « performeur » – le sujet. Au moment du débat, il refuse de parler du tournage ; il consentira seulement à lire des passages de son propre livre, avant de répondre à des questions du public. L’une d’elles porte sur l’intrigante soumission de cet homme à cette femme, sa fascination pour le grand écrivain. Agacé, Yann Andréa retourne la question à l’envoyeur : « N’avez-vous jamais pensé que Duras pouvait être fascinée par moi ? »
De Cet amour-là, Josée Dayan a fait en 2002 une adaptation décevante : la traduction des mots en images frappe par son obscénité, parce que l’action du livre est action de langage – peu propice à l’exhibition. Pour le coup, les postures de Jeanne Moreau endossant la panoplie durassienne (tics, vêtements et sentences) et la gestuelle d’Aymeric Demarigny composant la candeur supposée de Yann Andréa reproduisent l’apparence des choses, en détruisant toute vérité cinématographique. La caméra qui voulait éclairer l’intimité des deux perso